mardi 29 mai 2018

Taxer davantage les morts tardives ?

Pierre Pestieau

L’idée de faire dépendre les droits de succession de l’âge du décès peut paraître saugrenue. Elle n’est en tout cas mise en œuvre explicitement dans aucun pays et pourtant il vaut la peine de s’interroger sur ses éventuels mérites.

En réalité, comme souvent en économie, tout dépend du point de vue que l’on adopte ou plus exactement du critère éthique que l’on choisit. En l’occurrence, on peut en envisager deux. Le premier qualifié d’utilitariste considère que l’idéal est de maximiser le bien être attendu alors que le second met l’accent sur le résultat final et favorise une solution qui traiterait de façon équitable ceux qui ont la chance de vivre longtemps et ceux qui meurent prématurément.

Si l’on prend le point de vue utilitariste ex ante, il semblerait souhaitable d’adopter une fiscalité de l’héritage qui soit d’autant plus lourde que l’âge du décès est bas. La raison est que plus on prend de l’âge, plus le patrimoine que l’on détient est destiné à ses descendants. En revanche, une personne plus jeune, âgée de 60 ans par exemple, détiendra une partie importante de son patrimoine dans l’intention de financer ses vieux jours et d’éventuelles dépenses exceptionnelles. Or, on sait que l’épargne à finalité altruiste est beaucoup plus sensible aux droits de succession que l’épargne qui vise à financer la retraite ou la dépendance. Et selon un vieux principe économique, la taxation doit être élevée dès lors que l’assiette fiscale est moins affectée par l’impôt.

Prenons maintenant le point de vue de l’égalité ex post. Dans la société dans la quelle nous vivons, on considère souhaitable de vivre aussi longtemps que possible; en d’autres termes, une mort prématurée est pénalisante. Si l’on veut assurer une certaine équité entre les personnes de longévité différente, il convient de permettre à ceux qui décèdent prématurément de laisser plus de patrimoine à leurs proches qu’à ceux qui décèdent tardivement. Ceci sous-entend que l’utilité du défunt est d’autant plus élevée que le legs qu’il laisse à ses héritiers est important. Favoriser ainsi ceux qui ont la malchance de décéder prématurément est  plus défendable puisqu’à la différence de ceux qui vivent longtemps, ils n’ont pas l’opportunité de réaliser anticipativement des donations, dont la fiscalité est généralement plus légère.


Il existe un autre argument qui va dans le même sens d’une fiscalité plus légère pour ceux qui meurent prématurément. C’est l’argument qui prend en compte la présence de survivants sans ressources, typiquement l’épou(se)x au foyer et des enfants mineurs. Cette présence est d’autant plus probable que la personne décède prématurément. Il est peut être préférable de ne pas taxer sa succession trop lourdement alors que le problème ne se pose pas pour des âges plus avancés.

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