mardi 12 juin 2018

Jeanne Calment va-t-elle être détrônée?

Pierre Pestieau

Quelle ne fut ma surprise de découvrir dans les journaux que l’homme le plus âgé du monde était Manuel Garcia Hernandez qui serait né dans le nord du Mexique le 24 décembre 1896. Il serait donc dans sa 122ème année. Si son âge venait à se confirmer, ce Mexicain ravirait ce titre de la personne la plus âgée au Japonais Masazo Nonaka d’un peu plus de huit ans son cadet. Il serait prêt à ravir le record de longévité à la Française Jeanne Calment, morte en 1997 à 122 ans et 164 jours. On sait que dans le domaine de la longévité, il y a eu de nombreuses fraudes. Les plus célèbres concernent la Géorgie, l’Altiplano et l’île d’Okinawa qui pendant longtemps semblaient fournir des centenaires à la douzaine avant que cela ne soit prouvé faux. Même le titre de Jeanne Calment a été contesté ; la rumeur voudrait que sa fille ait pris sa place.

Si les tendances démographiques actuelles se prolongent, le nombre de centenaires en France pourrait atteindre 270 000 en 2070, soit presque treize fois plus que les 21 000 recensés au 1er janvier 2016, chiffre qui était déjà près de vingt fois supérieur à celui de 1970, d’après une récente étude de l’Insee (1). Comparé à l’ensemble de la population, leur nombre resterait modeste, à 0,4 % contre 0,03 % aujourd’hui.

En quoi cette explosion démographique nous intéresse-elle ? Dans les différents articles consacrés à ces ultra-centenaires, on apprend qu’ils vivent heureux, se permettent certains excès, un cigare le soir pour l’un, un verre de porto pour l’autre. Il demeure qu’ils sont souvent condamnés à voir partir leurs amis, leurs enfants et se retrouvent seuls. On se souvient de ce conte où une personne méritante avait pu faire un vœu, celui de l’immortalité, et au bout d’un certain temps suppliait qu’on la laisse mourir. Elle se retrouvait tragiquement seule (2).

La longévité peut s’accroître de deux manières : soit la courbe de survie devient de plus en plus rectangulaire, ce qui implique que vivons tous un peu plus longtemps ; soit, elle a tendance à s’allonger vers la droite, ce qui veut dire qu’une minorité connaît une vie plus longue. Il existe un débat toujours ouvert sur cette question qui porte sur la plus ou moins forte régularisation de la courbe de survie. Une forte augmentation du nombre de centenaires semble indiquer que la rectangularisation de la courbe de survie connaîtrait un temps d’arrêt et que la courbe de survie se déplacerait vers la droite.

Les journaux ont récemment rapporté une autre nouvelle, celle-là inquiétante, sur l’évolution de la longévité (3). Aux Etats Unis, la longévité stagnerait et serait même décroissante et la longévité en bonne santé serait plus faible que celle des Chinois. En effet, un bébé chinois peut espérer vivre 68,7 ans en bonne santé, contre 68,5 ans pour un Américain ; en revanche ce même bébé vivra jusqu'à 78,5 ans aux Etats-Unis ne vivra que 76,4 ans en Chine. Ce n’est semble-t-il qu’une question de temps. Partis comme ils le sont les Chinois auront bientôt leur million de centenaires et le doyen de l’humanité sera chinois.

(2) Lire aussi la nouvelle de Jorge Luis Borges « L’immortel » publiée dans le recueil de nouvelles L'Aleph, Gallimard  1977

(3) https://www.lemonde.fr/journalelectronique/donnees/protege/20180601/html/1317291.html


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