mardi 23 avril 2019

Pour ou contre la destitution de Trump

Victor Ginsburgh

Fuck you
Cette bataille fait rage, comme faisait celle de Clinton qui avait menti devant un juge sur ses relations sexuelles avec Monica Lewinski, ce qui n’était pas très malin, mais tellement moins grave pour la gestion de l’Etat que les malversations incessantes de Trump. Rien de comparable au parjure et à l’obstruction à la justice pour lesquels Clinton était poursuivi.

Le New York Times (1) vient de publier un article écrit par Joe Lockhart qui était secrétaire de presse à la Maison Blanche de 1998 à 2000, précisément durant les années noires de Clinton. Il faut donc l’écouter. Et je reprends ici certains de ses propos.

Aujourd’hui ce sont les démocrates qui veulent la peau de Trump, à l’époque, c’étaient les Républicains avec pour chef de file Newt Gingrich qui voulaient la peau de Clinton.

A cette époque, Erskine Bowles, le chief of staff de la Maison Blanche a rencontré Gingrich et lui a demandé pourquoi les Républicains voulaient à tout prix démettre Clinton. A quoi Gingrich aurait répondu : Parce que nous pouvons (because we can). Comme peut le faire aujourd’hui Nancy Pelosi, la présidente démocrate de la chambre, bien plus dans son droit que Gingrich ne l’était à l’époque.

Dans son article, Lockhart montre que l’essai de destituer Clinton a été désastreux pour… les Républicains : le taux d’approbation pour Clinton est passé à 73 pour cent durant le mois où le juge républicain a proposé sa destitution. Et vingt ans après, c’est exactement ce à quoi font face les Démocrates.

« Pour les démocrates », écrit Lockhart, « il vaut mieux laisser Trump en place. Ce n’est pas seulement de la bonne politique, mais c’est aussi la meilleure façon de réaligner la politique américaine. En trois ans, Trump a détruit ce que nous appelions le parti Républicain. Encore deux ans d’effort et il le sera totalement ».

Trump a en effet bouleversé tous les principes auxquels tiennent les Républicains : abandon du libre-échange et retour au protectionnisme ; bonne entente avec les dictateurs de tous bords (Russie, Brésil, Hongrie, Pologne, Vietnam du Nord, Arabie Saoudite et, pourquoi pas, Israël) ; le conservatisme fiscal fait place à des dépenses monumentales. Restent à gérer par le parti des réductions d’impôts, la xénophobie et le racisme. Les Républicains sont conscients de cet état de choses. Ils n’aiment pas Trump, mais à court terme, il leur faut des électeurs. Et pour les Démocrates, c’est un scénario de rêve, à condition que Trump finisse son terme de quatre ans. Quoi qu’il en soit, le sénat, qui est seul à pouvoir voter la destitution, ne la votera pas puisque les Républicains y sont majoritaires. Le vote qui y serait pris constituerait une lourde perte pour les Démocrates.
Dein Wort in Gottes Ohr

Et conclut Lockhart (cette conclusion fait en réalité partie du sous-titre de son article) : « Laisser Trump en place détruira le Parti Républicain ». Comme le dit un proverbe allemand que j’utilise souvent : ‘Dein Wort in Gottes Ohr’, qu’on peut traduire en français par ‘Que Dieu t’entende’.

Et tant pis pour ma laïcité.

P.S.1. Après avoir écrit ce blog, je reçois un article intitulé « Pourquoi suis-je heureux que Netanyahou a gagné l’élection » (2). Son auteur répond : « C’est une bonne chose, parce que nous allons finalement avoir un débat honnête sur la situation épouvantable engendrée par la complicité américaine qui a permis à Israël d’opprimer les Palestiniens autant que faire se peut. Le débat aurait avorté si Gantz avait gagné, en tout cas pendant un certain temps. Avec le retour de Netanyahou, le débat deviendra plus dynamique. C’est sans doute un peu tard, mais il vaut mieux tard que jamais ».
Sans commentaire


P.S.2. William Barr, le Ministre de la Justice américain qui n’a rien trouvé contre Trump dans le rapport de Mueller, a aussi lu Moby Dick, et n’y a trouvé aucune baleine (3).

P.S.3. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a fait savoir que son prochain gouvernement donnera à une implantation du plateau du Golan le nom de Donald Trump pour rendre hommage à la décision prise par le président américain de reconnaître la souveraineté israélienne sur le territoire du nord (4).



(1)    Joe Lockhart, There’s a bigger prize than impeachment, The New York Times, April 22, 2019.
(2)    James Zogby, Why I am glad Netanyahou won, Mondoweiss, April 22, 2019
(3)    Andy Borowitz, William Barr reads Moby Dick, and finds no evidence of whales, The New Yorker, 19 April 2019.
(4)    Staff, Netanyahu veut donner à une implantation du plateau du Golan le nom de Trump, The Times of Israel, 24 avril 2019.


4 commentaires:

  1. J'adore ta référence (3) à la baleine. Par contre, on est et reste dans la farce avec le Golan renommé Trump ! Oui je sais, ce n'est qu'une implantation, mais c'est une de plus, et une de trop. L'impunité continue !

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  2. Cher Victor,
    Le raisonnement, en termes de calcul politique, est convaincant, mais n'est-ce pas au détriment de l'exigence morale et, dans la durée, de la crédibilité de la règle de droit ?
    Etienne

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    1. Cher Etienne, Un article publié dans le NYT du 25 avril 2019 intitulé "The danger is not impeaching Trump. It may be risky politically, but Congress has a responsibility to act" par Elisabeth Drew, une journaliste de Wsahington, conclut comme suit:

      “The Democrats may succeed in avoiding a tumultuous,
      divisive fight over impeachment now. But if they
      choose to ignore clear abuses of the Constitution,
      they’ll also turn a blind eye to the precedent they’re
      setting and how feckless they’ll look in history.”

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  3. "Qui veut la fin, veut les moyens" (proverbe indien).
    Amitiés, Victor

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