mercredi 29 mai 2019

La der des ders

Pierre Pestieau

Une conversation et une lecture récentes qui n’avaient a priori aucun rapport. Sauf que l’une et l’autre m’ont rappelé que la trop fameuse exclamation « Plus jamais ça ! » était le plus souvent suivie par un « Encore ça ! ». La lecture est celle d’un roman (1) que j’ai beaucoup aimé. Il narre l’histoire d’un jeune soldat flamand, issu d’un milieu pauvre et qui rêve d’être peintre. Il est mobilisé en 1914 et connaîtra le cauchemar d’une guerre des tranchées meurtrière. Il sait que cette guerre est absurde d’autant qu’elle est menée par des officiers arrogants (pour la plupart francophones) et incompétents. Lors du centième anniversaire de la fin de cette « grande guerre », l’année dernière, on a rappelé combien elle avait été absurde et sanglante au point que peu de temps après on a parlé de la « Der des Ders » (dernière des dernières). Il a vite fallu déchanter. Le traité de Versailles qui devait conclure cette guerre n’a fait que préparer la suivante.

La conversation, je l’ai eue avec un de ces gestionnaires de patrimoine qui touchent des revenus ahurissants à effectuer des taches qui ne les passionnent guère. En l’occurrence, c’était une personne qui avant, pendant et après la crise des subprimes (2), était au premières loges de ce qui allait provoquer la Grande Récession de 2007-2008. Il a d’abord travaillé pour une société publique au nom frivole de Fannie Mae. Par la suite, il est passé par le privé pour revenir à ses premières amours. Fannie Mae, plus sérieusement la FNMA (Federal National Mortgage Association) a pour mission d’autoriser et de garantir des prêts à d’autres institutions financières. Elle est le chef de file dans le marché des prêts hypothécaires de deuxième main.

Fannie Mae a été au coeur de la crise des subprimes, cette crise financière qui a touché le secteur des prêts hypothécaires à risque aux États-Unis à partir de juillet 2007. Cette crise trouve son point de départ dans la hausse des taux d’intérêt et dans la chute des prix de l’immobilier. Rapidement, elle s’est étendue à d’autres secteurs de l’économie américaine, puis au monde dans son ensemble dans un contexte de contagion. Fannie Mae et  son complice Freddie Mac ont souvent été considérés comme responsables ou en tout cas coupablement passifs au cours de cette crise. Il a fallu que le gouvernement fédéral les mette toutes les deux sous tutelle. Aujourd’hui elles refont surface. Elles renouent avec les bénéfices grâce à l'amélioration du marché immobilier, qui entraîne la remontée des prix et la diminution des défauts de paiement. Cela leur permet de rembourser les 188 milliards de dollars d’aide publique dont elles ont bénéficié.

Ce que m’expliquait mon interlocuteur est que lui et ses collègues avaient vu la crise venir. Ils en parlaient entre eux mais ils n’ont pas voulu ou pas pu trouver les canaux de communication qui auraient permis aux autorités fédérales de prendre les mesures préventives adéquates. Depuis certaines mesures ont été prises mais, nombreux sont les spécialistes qui annoncent une nouvelle crise, plus grave encore que celle de 2008. Les causes : l’endettement des nations et l’euphorie de la bourse qui cache des bulles financières prêtes à éclater. La der des ders. Chiche.

(1) Stefan Hertmans Guerre et Térébenthine, Gallimard, Folio 2013.

(2) Subprime désigne un prêt immobilier bancaire auprès d'un client dit à risque, c'est à dire avec un risque de défaillance haut.

1 commentaire:

  1. Nous avons le choix entre des taux à peu près nuls ou négatifs ou des actifs risqués. Bien sur on sait que l'on face face à une (grosse) crise possible des obligations. On ferme les yeux. Pour cette raison il faut diversifier ses actifs. La crise touche les personnes qui ont un goût du gain trop grand (ou un conseiller qui ramasse au passage). En gros, les investisseurs en Europe ne prennent pas assez de risque et achètent quand c'est haut et revendent quand c'est bas. Bref, c'est la finance comportementales dans toute sa splendeur. A qui la faute? Ceci dit une guerre est un investissement en vue de se procurer des gains, matériels ou symbolique. En lisant, le parallèle me fera réfléchir. Bonne ascension.

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