mardi 7 mai 2019

Des armes wallonnes pour l’Arabie Saoudite, ollé, du fric pour la FN

Victor Ginsburgh

Maman, les petits bateaux qui vont sur l'eau...
Des nouvelles peu rassurantes et insistantes ce dimanche matin dans la presse. Un cargo saoudien à quai au port d’Anvers semble charger des armes wallonnes à destination de l’Arabie Saoudite (1). Ventes illégales bien entendu, ou en tout cas suspendues par le Conseil d’Etat le 30 juin 2018 (2). Mais tout le monde s’en fout. Surtout Alexander De Croo, vice-premier ministre fédéral et ministre de la coopération et sans doute de bien d’autres choses. Il ne répond tout simplement pas à l’Agence Belga qui l’a contacté samedi 4 mai 2019. En 2018, « il y a pour €180 millions en armes et en munitions qui sont parties pour l'Arabie saoudite. Nous avons demandé au ministre De Croo, qui est en charge des Finances, et qui a les Douanes sous sa tutelle, d'arrêter le bateau et d'inspecter qu'il n'y a aucune arme qui soit chargée à son bord » (1). Ben voyons, pourtant M. De Croo n’est pas wallon, ni socialiste, mais il est quand-même un « businessman » indique le site Wikipedia qui lui est consacré (3). 

La société pétrolière Aramco a fait $111 milliards de bénéfice net en 2018. Faut quand même bien que ces malheureux saoudiens utilisent leur fric quelque part, sans quoi ils vont finir par s’étouffer. Sauf que des centaines d’investisseurs de tout bord se sont précipités sur des obligations émises par Aramco en avril dernier (4). Les obligations n’ont ni odeur de pétrole, ni odeur de mort que ce soit celle de Jamal Khashoggi assassiné par les amis du prince Mohammed bin Salman (MbS) au consulat saoudien à Istanbul, ou celle des 37 hommes — presque tous shiites — dont l’un âgé de 17 ans, exécutés en public par une aimable décapitation, à l’exception de l’un d’entre eux qui a été gentiment crucifié parce que ce châtiment est considéré comme étant pire que la décapitation. Le ‘royaume’ a fait exécuter 148 personnes en 2018.

L’acte mirifique de MbS qui avait permis aux femmes de conduire avait été précédé par des arrestations de femmes suivies de séances de torture, incluant des chocs électriques, des coups de fouet, et du ‘waterboarding’, cette merveilleuse technique d’interrogation mise au point du temps de Bush fils, qui consiste à ficeler le ou la supplicié(e) sur une planche inclinée, la tête en bas et couverte d’un drap, tête sur laquelle on fait couler des seaux d’eau, de façon à l’étouffer. Même pas mal, disait le Bush en question. Suivi, évidemment par le Trumpe la mort.

Oh! le joli drapeau
Sans oublier, bien entendu, la guerre menée par ces charmants personnages au Yémen depuis 2015 qui a forcé 570 000 individus à quitter leurs habitations. Le chef des affaires humanitaires des Nations Unies a déclaré que « le système immunitaire de millions d’individus qui vivent depuis des années de l’aide humanitaire est en train de s’effondrer, ce qui rend la population — et plus spécialement les plus âgés — de plus en plus proches de la mort suite à la malnutrition, au choléra et à d’autres maladies » (5).

Voilà la raison d’être du bateau à Anvers. Faut tuer et soutenir le commerce d’armes. Merci à la Fabrique Nationale d’Armes de Gueguerre wallonne et à M. De Croo, businessman flamand. On peut compter sur eux, comme sur M. Paul Magnette dans son interview à RTL qui date du 3 novembre 2017 (6). D’ailleurs, si ce n’est pas la Belgique qui vend, ce sera quelqu’un d’autre… allons-y donques gaiement.



(2). Eric Renette et Xavier Counasse, Huit licences d’exportation d’armes vers l’Arabie Saoudite suspendues par le Conseil d’État, Le Soir, 30 juin 2018.

 

(3). https://en.wikipedia.org/wiki/Alexander_De_Croo

 

(4). Editorial Board, What price profit in Saudi Arabia, The New York Times, April 24, 2019.

(5). Patrick Cockburn, The Yemen war death toll is five times higher than we think—we can’t shrug off our responsibilities any longer, The Independent, October 26, 2018.




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