jeudi 2 septembre 2021

Les pieds dans l’eau, ce n’est pas le pied pour beaucoup

Pierre Pestieau


Un journaliste observait récemment que les inondations meurtrières et ravageuses de la mi-juillet, que la région de Verviers a connues, ont d’abord frappé les quartiers les plus populaires voire les plus pauvres des villes et communes traversées par les eaux. Ce n’est pas une surprise pour ceux qui connaissent l’histoire des catastrophes naturelles de ce type. Les pauvres habitent souvent ce type de lieux que prisent les catastrophes naturelles.  A Verviers, les maisons ouvrières s’alignent le long de l’eau, de Dolhain aux portes de Liège, là où se trouvaient et se trouvent encore les entreprises pourvoyeuses d’emplois, tandis que les « beaux quartiers » ont pris leurs aises sur les collines, à l’abri des flots.

En Colombie, les populations les plus démunies habitent les flancs de collines dont personne ne veut mais qui régulièrement connaissent des glissements de terrain meurtriers. On se rappelle la coulée de boue mortelle de Mocoa du 1er avril 2017, qui a causé plusieurs centaines de morts et encore plus de blessés.

Ce phénomène ne se limite d’ailleurs pas aux catastrophes naturelles. A Seveso,  en 1976 , dans le nord de l’Italie, un nuage d'herbicide contenant des produits toxiques s'est échappé d'une usine chimique provoquant de nombreuses hospitalisations pour les enfants des communes voisines. Ici aussi, ce sont les familles les plus démunies qui ont trinqué. Lorsqu’un quartier devient dangereux parce que gangrenés par des dealers, les riches n’ont aucun mal à le quitter. Les pauvres sont condamnés à y rester et à subir des violences arbitraires.

Que faire ? Bien sûr, il y a des mesures de prévention comme le renforcement des berges de certaines rivières mais il y a aussi les relocalisations. La France a montré l’exemple suite à la tempête Xynthia, qui a atteint son pic le 28 février 2010 sur les côtes charentaises et vendéennes. Elle a procédé, et continue de le faire, à des relocalisations. Enfin, il importe de veiller à l’application stricte des règles d’urbanisme. Par clientélisme ou par corruption, des permis de bâtir sont trop souvent accordés dans des zones inhabitables.

« Gouverner, c’est prévoir. » Ce mot que l’on attribue à Thiers est on ne peut plus actuel. Il faut cependant reconnaître que prévoir est de plus en plus difficile avec des changements climatiques qui provoquent des catastrophes inattendues. Le récent rapport du GIEC est on ne peut plus éloquent. On ne pourra échapper à la hausse de la température terrestre et ses conséquences, élévation du niveau des océans, multiplication des « événements climatiques extrêmes »… Cette hausse est associée aux activités humaines et à la production massive des gaz à effet de serre qui s’en dégage depuis le début de la révolution industrielle.

Dans l’immédiat, il faut réparer. Le coût des inondations est bien sûr couvert par l’État, qui joue le rôle d’assureur de dernier recours, mais il l’est aussi par les sociétés d’assurance. Il a été reproché à ces dernières de ne pas suffisamment inciter les familles à habiter dans des zones de moindre risque. Il est clair qu’il faudrait une meilleure coordination entre le secteur public et le marché.


Dans le cas de catastrophes naturelles, comme les inondations, une loi fédérale fixe le cadre d’intervention des sociétés d’assurances en Belgique. Cette loi limite les indemnités des assureurs pour ce qui concerne les risques simples, comme les incendies ou les inondations. Ce système a été mis en place au début des années 2000 pour éviter la banqueroute des sociétés d’assurances en cas d’énorme catastrophe naturelle. En France, l’État joue aussi le rôle de coassureur. Depuis l’adoption d’un nouveau régime public des catastrophes naturelles, c’est-à-dire depuis le début des années 1980 (suite aux inondations de la Somme), les communes sont invitées à adopter un plan de prévention des risques naturels, mais elles contournent cette exigence. Conséquence : 80% des nouvelles constructions se font en zone inondable. 


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