jeudi 25 novembre 2021

Marx et l’environnement

Pierre Pestieau 

 

Après l’échec de la COP26 et à un moment où de nombreux partis de gauche s’intéressent soudainement à l’environnement, il n’est pas inutile de se demander ce que Marx aurait à dire sur le sujet. 

Pour certains, la crise écologique invaliderait les analyses de Karl Marx, coupable d’avoir délaissé la question environnementale. Le productivisme débridé des partis et des régimes se réclamant de lui paraît conforter cette critique. Certains, tel John Bellamy Foster (1), suggèrent au contraire que socialisme et écologie forment, chez Marx les deux volets d’un même projet. Cette question n’est sans doute pas importante, la société et l’économie du temps de Marx étaient tellement différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui et que menace le changement climatique. 

Ce qui en revanche est important c’est de voir ce que l’analyse de Marx peut nous apporter pour expliquer la crise environnementale actuelle. Sa critique du modèle capitaliste peut nous aider à répondre à la question fondamentale de la compatibilité entre développement durable et système capitaliste.

Naomi Klein (2) répond à cette question. Pour elle la lutte contre les changements climatiques requiert non seulement une réorientation de nos sociétés vers un modèle durable pour l’environnement, mais elle nécessite aussi une transformation sociale radicale, transformation qui pourrait nous mener à un monde meilleur, plus juste et équitable. 

La crise climatique et environnementale souligne la nécessité d'une action urgente. Les tergiversations des gouvernements et des entreprises conduisent à penser que la seule véritable alternative est une planification démocratique et durable des ressources à l'échelle mondiale. Une telle société socialiste démocratique améliorera le niveau de vie de la grande majorité des gens, tout en considérant la nature et l'humanité comme un seul corps interchangeable. 

Comment y arriver reste un mystère. Il apparaît en tout cas certain que le régime capitaliste mondialisé ne le pourra pas. Il est difficile d’arriver a de véritables accords de coopération en matière climatique. Les échecs successifs de la COP en attestent. L’environnement est un domaine fertile pour les comportement de passager clandestin tant au niveau intra qu’intergénérationnel. Au niveau intra générationnel, il est tentant pour les individus mais aussi pour les États de demander aux autres de faire des sacrifices sans en faire soi-même. Au niveau intergénérationnel, l’histoire de l’humanité nous apprend que les générations présentes se sont rarement préoccupées des générations futures si ce n’est par de beaux discours et des actions symboliques. 

Dans son ouvrage, Naomi Klein rapporte comment les militants de droite du type Tea Party soutiennent que le changement climatique est une invention des communistes afin de mettre en œuvre une économie planifiée. A leur manière déformée, ils admettent l'incapacité du capitalisme à résoudre une crise aussi énorme. Le système capitaliste, selon les mots de Klein, est en guerre avec la vie sur terre, y compris la vie humaine. 

Nous nous trouvons ainsi dans une impasse. On peut être convaincu qu’avec le capitalisme mondialisé qui domine nos vies nous allons droit dans le mur et tout à la fois ne pas savoir comment en sortir. En attendant que faire ? Retarder l’explosion en adoptant des politiques qui s’adressent aux changements climatiques et au sauvetage de la biodiversité, tout en sachant que ce sont là des emplâtres sur une jambe de bois. 

 

(1). John Bellamy Foster, Marx écologiste, Éditions Amsterdam, Paris, 2011.
(2). Naomi Klein Capitalisme et changement climatique Actes Sud. 2015 (Initialement publié en 2014 par Simon & Schuster)

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