jeudi 2 décembre 2021

Comment argumenter avec un(e) anti-vax qui croit défendre sa noble mission

Myke Bartlett (1), traduit par Victor Ginsburgh  


La détresse de cette femme est réelle. J’ai, durant plusieurs heures, suivi son pas, et l’ai laissée jurer et transpirer, comme si elle était terrorisée par un diagnostic fatal ou par la perte d’un de ses proches.  

L’instinct humain, est de conforter et j’essaie, mais je sais déjà que c’est partie perdue […]. Elle est outrée par quelque chose qui n’est jamais arrivé.  

Le fait que je puisse facilement démonter ses arguments ne fait que renforcer le sens qu’elle a d’être parmi les rares qui peuvent voir l’horrible vérité.

J’ai subi un lavage de cerveau et conspire avec l’Etat, le big-pharma et les media les plus courants. Elle est une croisée et sa mission est sainte. Elle est aussi, bien-entendu, anti-vax.  

J’ai abandonné l’idée que les faits seuls pourraient changer la pensée d’une zélote. Comme si j’avais abandonné la notion qu’être une personne bonne, décente et intelligente peut immuniser contre une paranoïa conspiratrice.  

Le fait que je sois forcé de rencontrer des dévots anti-vax m’a fait comprendre qu’ils ne sont pas tous des excentriques d’extrême-droite.  

Bien sûr, il y a ceux qui sont à droite, et exploitent ceux qui pensent que le monde n’est pas comme il est, mais beaucoup de ceux avec lesquels j’ai parlé sont horrifiés que je puisse les croire de droite. Ils s’identifient aux LGBTQI+ et alliés, ils sont favorables à des actions contre le changement climatique et ils croient honnêtement qu’ils informent les autres de manière correcte […]. C’est bien ce qui rend frustrante la discussion avec eux.  

Dès qu’un fait est accepté comme étant vrai, la discussion s’égare vers un autre système de valeurs […]. Ceci est une forme de fondamentalisme qui fait que ce à quoi vous croyez n’est pas aussi important que ce à quoi vous ne croyez pas. Ce qui arrive, n’arrive pas. Quelle que soit la réalité, les anti-vax y sont opposés. Ce qui, à mon avis, rend ce mouvement extrêmement dangereux.  

En regardant les images de ce qui s’est passé à Melbourne [ou à Rotterdam, Vienne et ailleurs] durant ces derniers jours, il est difficile d’accepter que ceux qui protestaient étaient des gens honnêtes. Mais ceci est précisément la clé du problème. Être une personne honnête excuse tellement au nom d’une noble cause.

Ils se croient être en guerre, et cela justifie leurs actions extrêmes. Ils peuvent nous harceler, ils peuvent nous abuser, ils peuvent répandre des demi-vérités au nom de leur mission sacrée. Ils font cela pour nous. Ils luttent contre une injustice que personne d’autre ne peut voir. J’entends souvent « Mais, enfin, comment se fait-il que personne ne peut faire quelque chose ? ».

Ce dévouement à une cause s’accompagne d’un investissement émotionnel important. Leur noble mission—qu’il s’agisse d’être anti-vax ou anti-mesure de confinement—fait partie intégrante de leur identité.   

Manifestant anti-vaxx à Bruxelles

Être obligé de recevoir un vaccin entraîne une injure psychique. Comment pourriez-vous encore être anti-vax si vous avez été vacciné (et que vous avez survécu) ? […].

Ces idéologues sont néanmoins nos collègues, nos amis, notre famille. Nous serons sans doute nombreux à passer la Noël avec eux, comme si de rien n’était.  

Je ne sais pas comment cela pourra continuer […]. Si nous devons protéger, voire reconstruire notre démocratie libérale, nous devons comprendre comment elle fonctionne. L’élection de Trump en 2016 a renforcé les conspirateurs en légitimant leur ignorance. J’ai peur de penser à ce que pourrait être sa réélection en 2024.  

A moyen-terme, ce problème finira par disparaître. La majorité de nos concitoyens sont vaccinés, sans grand impact si ce n’est d’alléger le poids de la pandémie. Nombreux seront ceux qui continueront de croire ou de dire qu’il n’y a pas eu de pandémie, comme ceux qui continuent de croire que l’on n’a pas mis pied sur la lune.  

A court-terme, comment éviter de mettre le feu à l’arbre de Noël ? Il peut être important d’aider ceux que nous aimons, plutôt que de penser à leurs arguments. Une conversation n’est pas nécessairement une bataille pour qui gagne ou perd, mais une possibilité de trouver un point commun […]. Nous ne sommes pas obligés d’être d’accord pour nous comprendre. 

[…]  

Il y a une leçon que les parents finissent par comprendre. Ils peuvent dire à leur enfant qu’il n’y a pas de monstre sous son lit, mais il est impossible de l’arrêter de croire qu’il y en a un. La seule chose que vous puissiez faire est d’allumer la lumière, lui laisser le temps de réfléchir, et espérer qu’elle ou lui arrivera à la bonne conclusion.  

 

(1). Myke Bartlett, How do you argue with anti-vaxxers who believe they’re on a noble mission, The Guardian, November 20, 2021. Myke Bartlett est un journaliste et un écrivain australien. Traduit avec autorisation de l’auteur.

3 commentaires:

  1. Fondamentalisme, le mot est lâché !

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  2. Einstein a dit que deux choses étaient infinies: la bêtise humaine et l'univers, mais que pour l'univers, il n'avait pas de certitude.
    Les vrais combattants pour la liberté partaient en Espagne entre 1936 et 1939, combattaient le Nazisme entre 1933 et 1945, combattent le Nazislamisme,les dictatures chinoise, nord coréenne, hongroise, russe, etc. Les militants antivax sont justes des salauds qui s'ignorent, intelectuellement très limités qui se prennent pour de vertueux résistants. J'arrête d'y penser, ça me donne la nausée.

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    1. Oui, discussion impossible!
      Le dernier paragraphe : tout est dit !
      Bernadette

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