jeudi 2 juin 2022

Les œuvres dites « absurdes », mais intéressantes et celles qui ne le sont pas

Victor Ginsburgh

En septembre 2020, le musée new-yorkais Guggenheim a reçu une donation anonyme d’une œuvre créée par l’artiste italien Maurizio Cattelan. Elle avait été exposée à la célèbre foire Art Basel de Miami Beach en 2019 et acquise par un collectionneur. Il ne s’agissait ni d’un tableau, ni d’une sculpture, mais d’une vraie banane pas trop moisie, collée sur le mur d’une des salles de la foire. Ne sachant pas quoi en faire une fois qu’elle était pourrie, celui qui avait payé la modeste somme de 120.000 dollars en a fait don au Guggenheim. Pas la banane puisqu’elle était pourrie, mais un simple certificat d’authenticité et un « mode d’emploi » qui permettait au musée de renouveler l’œuvre plus ou moins tous les dix jours, et la pendre strictement à une hauteur de 175cm. La voici avec son titre :

Comédien

Cattelan n’était pas le premier à faire des œuvres éphémères et/ou absurdes. Cela avait déjà été le cas de bon nombre d’artistes, dont il y a plus de cent ans (1917 pour être précis), la Fontaine de Marcel Duchamp, que je n’ose pas reproduire ici, mais vous pouvez, si besoin en est, vous débrouiller sans moi. 

Cattelan a d’ailleurs osé se souvenir de Marcel Duchamp en fabriquant, en 2016, un cabinet de toilette en or 18 carats. Ce cabinet a été installé au Musée Guggenheim en 2016. Je ne sais pas trop pourquoi, le musée a vendu ou donné ce miroitant cabinet au Blenheim Palace à Oxford. A l’anglaise, le critique d’art Jonathan Jones aurait dit : 

« Comment se sent-on quand on urine sur de l’or ? A peu près, comme si c’était de la porcelaine. Mais ici, au milieu des photographies de Winston Churchill jeune, on peut aussi se dire qu’on pisse sur l’histoire de la Grande Bretagne ».

Peu de temps après, le cabinet a disparu (volé ou envolé), et personne ne sait qui l’a emprunté ou volé. Une plaisanterie de plus ?

Tout cela est bien plus drôle, profond et subtil que ne le sont les récents non-tangible tokens (NFT). Je vous invite à écouter Radio France qui vous dira à quels abîmes de bêtise nous sommes arrivés sur le marché de l’art :

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-temps-du-debat/les-nft-sont-ils-une-bonne-nouvelle-pour-le-monde-de-l-art-1234614  

Quelqu’un a payé 69 millions de dollars pour une « peinture » digitale d’un inconnu qui s’appelle Beeple. Voyez :

https://www.theverge.com/2021/3/11/22325054/beeple-christies-nft-sale-cost-everydays-69-million

Voici l’oeuvre de Beeple :

NFT d'un certain artiste qui s'appelle Beeple
Everyday's: The First 5000 Days, vendu par Christie's à $ 69 millions

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