Pierre Pestieau

Interdire, décourager, tolérer, dépénaliser, légaliser avec ou sans
encadrement, qu’il s’agisse de la prostitution, de l’avortement, de la
consommation de tabac et d’alcool, de l’usage de drogues douces ou dures, de la
pornographie, ce sont des questions qui se posent depuis la nuit des temps avec
des réponses qui sont rarement satisfaisantes et qui dans la pratique varient
d’un pays à l’autre. On peut aborder ces questions sous trois angles
différents.
D’abord, on peut les évaluer au nom de la morale ou de la religion. On peut
aussi les traiter du point de vue de leurs implications socio-économiques.
Enfin il importe d’examiner la faisabilité et les conséquences d’une
interdiction ou d’une autorisation encadrée. En d’autres termes ce qui importe
ce ne sont pas seulement les principes mais les résultats. On peut très bien interdire
le commerce et la consommation d’un service ou d’un bien et s’apercevoir qu’après
coup, le volume de consommation ne diminue pas et que de surcroît sa qualité se
détériore. A l’inverse légaliser une consommation tout en l’encadrant peut
provoquer des marchés parallèles et criminels.
La pornographie, dans la mesure où elle n’est pas interdite, peut être
approchée sous l’angle de ses implications socio-économiques. L’étude de Gail
Dines (1) indique que le nombre de « consommateurs » est beaucoup
plus important que ce que l’on croit généralement et que les dégâts qu’elle
entraîne en termes de santé, de socialisation et de participation au monde du
travail sont énormes. Ce qui apparaît clairement lorsque ces dégâts sont évalués
en équivalent monétaire. De là à suggérer son interdiction, il y a un pas que
ce sociologue américain franchit allègrement.

· la croissance inquiétante des homicides au Mexique qui va
jusqu'à grever l’espérance de vie du pays
·
l’incarcération excessive, facteur de contamination par
le VIH et de criminalisation des détenus
·
la discrimination raciale induite par l’application des
lois antidrogues
·
la violation constante des droits de l’homme.
Même si ces conséquences de l’interdiction des drogues concernent davantage
l’Amérique du Nord que l’Europe, elles ont leurs équivalents sur le vieux
continent.
Les experts appellent à décriminaliser l’usage et la possession de toutes
les drogues et à basculer sur un marche régulé.
On retrouve malheureusement dans les deux cas la question de la
faisabilité. Dans le cas de la pornographie, peut-on effectivement l’encadrer,
voire l’interdire, sans causer des dommages encore plus importants que ceux
qu’elle cause aujourd’hui ? Dans le cas de la décriminalisation, voire de
la légalisation de l’usage de la drogue, il existe à ce jour, peu d’exemples
qui permettent de tirer un bilan de telles réformes.
Ce qui me semble important dans tous ces cas de pénalisation ou de légalisation,
c’est de regarder objectivement les conséquences des deux volets de
l’alternative, et d’éviter les condamnations morales ou religieuses hâtives.
https://www.washingtonpost.com/news/wonk/wp/2016/03/24/top-medical-experts-say-we-should-decriminalize-all-drugs-and-maybe-go-even-further/
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire