mercredi 18 mai 2016

Nombreux à gagner un peu et peu nombreux à perdre beaucoup I

Pierre Pestieau

J’ai récemment eu l’occasion d’assister à un séminaire donné à la Banque Mondiale par David Autor professeur d’économie au MIT sur ce que l’on pourrait appeler l’économie politique du libre échange et plus particulièrement sur les avantages que la Chine et les Etats Unis peuvent en tirer. L’essentiel de son propos était de montrer que depuis plusieurs décennies la grande majorité des américains bénéficient de la globalisation sous la forme de prix extrêmement bas pour de nombreux produits: textiles, électroniques, jouets, … mais que le prix à payer pour cela est la fermeture de nombreuses industries, ce qui pousse au chômage des milliers d’Américains.


Dans une nouvelle étude Autor et al. (2016) analysent l’effet politique de ce processus économique et en particulier, l’impact de la désindustrialisation sur le la couleur politique des districts électoraux. Le constat est sans appel : dans les districts particulièrement touchés par les pertes d’emploi, les membres de la Chambre des représentants et du Senat tendent à être idéologiquement plus extrêmes, qu’ils soient de droite ou de gauche. Avec pour conséquence un Congrès qui est de moins en moins modéré et où il devient difficile d’aboutir à des compromis. La campagne présidentielle illustre parfaitement cette évolution. Avec à gauche et à droite une certaine radicalisation qui a amené Donald Trump chez les Républicains, et qui s’est avérée tout aussi puissante chez les Démocrates avec Bernie Sanders qui continue de damer le pion à Hillary Clinton.

Ce qui est intéressant c’est que dans les enquêtes d’opinion les Américains sont majoritairement en faveur du libre échange ; mais cet appui tiède disparaît totalement dans les régions sinistrées où l’on assiste au succès des candidats les plus radicaux et surtout plus protectionnistes.

N’aurait-on pas le même phénomène en France où les gains de la globalisation ne font pas le poids là où on a le sentiment que cette même globalisation contribue au chômage structurel? En France comme dans de nombreux pays, on voit les partis « modérés » doublés sur leur droite et sur leur gauche par un électorat déboussolé.

Pour tous ces citoyens, le « Made in China » n’est plus une aubaine mais un cauchemar et ce, d’autant plus que les solutions souverainistes ne sont guère convaincantes.

(1) David Autor, David Don, Gordon Hanson and Kaveh Majlesi, Importing Political Polarization? The Electoral Consequences of Rising Trade Exposure, 2016. http://economics.mit.edu/files/11499



1 commentaire:

  1. Ce n'est pas seulement que cela entraîne des pertes d'emplois, mais aussi que ce qui est consommé est de très mauvaise qualité, est polluant, voire toxique et a une impact environnemental désastreux. Il ne faut pas l'oublier.

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