mercredi 16 novembre 2016

Non, je ne t’ai pas oubliée, Jérusalem et ma langue ne colle pas à mon palais

Victor Ginsburgh

Il y avait longtemps que je n’avais plus rien dit. J’ai eu l’impression que les autres événements prenaient le pas sur ce qui se passait en Israël. Mais j’ai continué à lire, et c’est loin d’être réjouissant, bien au contraire, surtout depuis l’élection de Donald Trump qui compte déménager l’ambassade des Etats-Unis de Tel Aviv à Jérusalem, reconnaissant ainsi l’annexion de la ville par Israël, et rendant plus difficile que jamais la solution des deux états, Palestine et Israël. Le gouvernement israélien rend d’ailleurs lui-même cette position de plus en plus probable, et va jusqu’à se proposer d’annexer 60% (la zone dite C) de la Palestine et à rendre légales a posteriori des colonies construites sur des terres privées palestiniennes, ce qui, d’après la Cour Suprême d’Israël, est contraire au droit international. On parle heureusement aussi d’une initiative de dernière minute de la part des Palestiniens au Conseil de Sécurité, contre laquelle, pour une fois, le président encore en exercice, pourrait ne pas opposer le veto des Etats-Unis. Une dernière chance.

Voici donc une correction parce que je ne voulais pas faillir au Livre des Psaumes, 137, 5-6 de l’Ancien Testament, qui se lit : « Si je t’oublie, Jérusalem, que ma (main) droite se dessèche. Que ma langue colle à mon palais ».

J’ai pris au pied de la lettre la demande que formule B. Michael—éditorialiste à Haaretz depuis plus de vingt ans—dans le dernier paragraphe de son article du 3 juin 2016 paru dans Haaretz et l’ai traduit en français (1). En voici le titre et l’essentiel de l’article.

Une fois encore le peuple juif fait face à un grand danger et le monde fait silence
B. Michael


Une fois de plus, les Juifs sont en danger. Pas le peuple, seulement une partie de celui-ci. Celui qui est concentré au Moyen-Orient. Et cette fois, ce ne sont pas nos ennemis qui se lèvent pour nous châtier. Cette fois, ceux qui se lèvent contre nous sont des nôtres.

Ce sont nos propres mains qui ont oint les Huns qui nous dirigent. Une bande de sauvages, mal intentionnés, vains et sans contrainte, qui conduisent leur troupeau la tête la première dans un mur.

Et le monde entier se tait…

A notre tête, nous avons placé un misérable, un gueulard hédoniste. Un homme défini par son propre partenaire et ami de jeunesse comme étant un menteur et un charlatan. Un homme qui a peur de son ombre et aussi de sa femme et de feu son père. Et cet homme nous a flanqué un gouvernement composé d’une moitié d’idiots et d’une moitié de scorpions. Avec un ministre de la défense qui supporte chaudement le nettoyage ethnique ; un ministre de la justice qui considère la loi comme un club qui règle les comptes nationalistes et politiques ; un ministre de l’éducation  fondamentaliste qui veut nous ramener à une religion vieille de plusieurs milliers d’années, à la glorieuse époque biblique de Joshua, un conquérant et destructeur de peuples, au temple où l’on engraissait les dieux avec des tranches de viande cuites au barbecue, aux dieux avides, aux rois cherchant leur plaisirs, convaincus qu’ils avaient reçu de dieu l’autorité de régner à jamais. Est-ce étonnant que la pourriture et la corruption nous rongent ?

Et le monde entier se tait…

A cause d’eux, le ministre de l’histoire a pu raconter sa blague, amère comme l’est l’absinthe : l’Allemagne est devenue la Terre Promise et le pays qui montre la voie aux autres nations. Et nous, Juifs, nous sommes devenus des skinheads. De toute la gloire passée, il ne nous reste qu’une grande gueule, un poing brandi et une haine cachée, le militarisme, le paganisme et l’arrogance.

Et le monde entier se tait…

Soi-disant, ils racontent qu’aujourd’hui le sol s’est mis à trembler. Soi-disant, c’en est trop. Soi-disant, le message a fini par leur arriver, et à chaque seconde, des changements pourraient survenir.

Ne le croyez pas, ne le croyez pas. Si vous ne vous réveillez pas pour reprendre vos esprits, rien ne se passera. Parce que nous n’avons plus personne qui se lèvera pour agir.

La droite est trop stupide, ensorcelée et a peur de comprendre ce que ces actions entraînent. La gauche, oy, la gauche, dont les restes se blottissent dans les bras les uns des autres, calcule sa fin qui approche à grands pas. L’opposition, aussi ridicule soit-elle, est dirigée par un imbécile et une chiffe molle. Et les deux s’affrontent jusqu’à la fin des temps pour savoir qui est l’imbécile et qui est la chiffe molle. Les deux réponses sont bonnes.

Et le monde entier persiste dans son silence, comme s’il n’avait rien appris, ni rien oublié. Il laisse les Juifs du Moyen-Orient à eux-mêmes. Laissons-les, après tout, qu’ils fassent ce qu’ils veulent.

Il aurait pourtant été facile de nous sauver. Il aurait été simple de suggérer avec délicatesse à tous les pays du monde, de réduire les subventions, d’émettre un petit veto ici et là, de décrire le modèle qui a permis à l’Afrique du Sud de revenir à la lumière…et l’Etat d’Israël aurait pu être tiré du bourbier dans lequel il s’enfonce. Mais le monde est silencieux.

Parle donc, monde cruel.

Parce que si tu persistes dans ton silence, tu feras la preuve catégorique de ton antisémitisme, comme on nous l’a toujours affirmé.

En somme, voici ce que je demande : S’il vous plaît, traduisez mes mots dans toutes les langues du monde des lumières, et envoyez le texte à vos dirigeants. L’expérience a toujours montré que le monde persiste dans son silence jusqu’à ce qu’il soit trop tard, mais au moins, l’illusion est meilleure que le désespoir.


(1)          B. Michael, Yet again the Jewish people face great danger and the world is silent, Haaretz, June 3, 2016. http://www.haaretz.com/opinion/.premium-1.722656

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