jeudi 10 novembre 2016

Si Marx, Lénine et Che Guevara…

Victor Ginsburgh et Pierre Pestieau


Si Marx, Lénine et Che Guevara, cachés par la nuit qui tombe plus tôt en cette saison, avaient ressuscité simultanément et installé leur triumvirat à la Maison Blanche, on aurait pu comprendre. On aurait pu comprendre pourquoi les marchés financiers se sont effondrés, parce que l’arrivée soudaine de cette bande de révolutionnaires aurait été suivie par la fermeture indéfinie (et peut-être définitive) de toutes les bourses, et par la confiscation de toutes les grandes et même moins grandes fortunes qui auraient été redistribuées aux pauvres du monde entier. Enfin, aurions-nous pu dire, « un peu plus d’égalité dans le monde » dont nous rêvons tous, certains secrètement, d’autres en criant un peu plus fort.

Le dollar et le peso mexicain tombent. Le Dow Jones et le Standard & Poors 500 perdent 4 et 5 pourcent, respectivement, avant même l’ouverture des marchés financiers américains. C’est presque la « lutte finale »…


Mais non, la disruption de la vie financière est une conséquence de l’arrivée d’un capitaliste, manifestement élu par quelque 35 pourcent des Mexicains pauvres qui vont se faire renvoyer chez eux (mais on leur trouvera du travail, puisque c’est eux qui vont construire le mur qui devra les empêcher de remonter vers le Nord). Par 54 pourcent des femmes, blanches qui, elles, n’ont pas peur de se faire violer (d’ailleurs le nouvel élu mettra des flics partout pour que cela n’arrive plus, sauf à la Maison Blanche où lui pourra continuer). Par les Américains pauvres et plutôt âgés qui sont ceux qui devraient bénéficier de l’Obamacare, que le successeur dudit Obama a décidé de démanteler dès qu’il arrive au pouvoir dans 73 jours.

Peu diplômés et plutôt ruraux (à raison de 60 pourcent), catholiques comme protestants (50 et 60 pourcent), ils ne lisent ni le New York Times, ni le Monde, ils ne savent rien des misérables des côtes du Bangladesh, des îles Maldives et même du sud des Etats-Unis bientôt inondés par la mer montante. Ni que les terres des Africains se désertifient suite au changement climatique. C’est d’ailleurs une invention des scientifiques qui n’en sont pas, ou des dieux qui veulent punir, dit le nouveau président.

On en vient à penser que ces Américains pauvres et plutôt âgés ont poussé la plaisanterie jusqu’à faire élire un capitaliste, forcément de droite, dont la première attaque portera précisément sur les pauvres plutôt âgés. Ou qu’ils n’ont pas compris ce qui allait leur arriver.

A moins qu’ils n’aient estimé que la candidate représentait un capitalisme encore plus détestable et sans doute moins accessible. D’ailleurs si elle avait été élue, il est vraisemblable que, plutôt de chuter, les indices boursiers auraient augmenté (ce qu’ils ont d’ailleurs fait une fois passée la panique d’hier matin).

Elle se proposait d’améliorer les programmes sociaux visant à lutter contre l’exclusion et la maladie. Elle n’a pas réussi à convaincre, à séduire ceux qui devaient en bénéficier. Sans doute n’y a-t-elle pas mis la forme et fréquentait-elle un peu trop les banquiers de Wall Street.

A méditer par ceux qui en France, en Belgique et en Europe visent à réformer l’Etat providence d’une façon par trop technocratique et désincarnée.


Note : Les chiffres proviennet d’un article de Boris Manenti, Présidentielle américaine : Portrait-robot de l’électeur de Trump, L’Obs, 9 novembre 2016. http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/elections-americaines/20161109.OBS0982/presidentielle-americaine-portrait-robot-de-l-electeur-de-trump.html



1 commentaire:

  1. Cher Victor,
    Cette élection démontre que le système électoral et la Constitution des USA ne permet pas de nommer à la tête de l'Etat des personnalités compétentes, exemplaires sous tout rapport et la hauteur des énormes responsabilités qui leurs sont confiées. La Constitution des USA est tout aussi dépassée que la nôtre.

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