jeudi 23 mars 2017

Prenons les démences au sérieux

Victor Ginsburgh

Je veux souscrire à l’enthousiasme de mon co-bloggeur Pierre au sujet des soucis que nous pouvons nous faire en prenant de l’âge, notamment, en pensant au vieux monsieur qu’est devenu Alois Alzheimer.

Je vous explique d’abord. Il y a plusieurs types de démences, des « graves » et des « encore plus graves ». Je ne vous donne pas leurs noms complets parce que de toute façon, vous ne vous en souviendrez pas. Je vous livre donc uniquement les initiales : FTD, SD, PNFA et AD.


On a comparé les sens de l’humour des patients de chacun de ces types avec un groupe de contrôle du même âge dont les personnes étaient plus ou moins saines d’esprit. A des histoires que j’ose croire drôles, mais qui étaient parfois cyniques ou absurdes, racontées à ces quatre groupes chez qui les blagues drôles étaient significativement moins bien reçues que chez les gens sains comme vous et moi. Les FTD et SD réagissaient de façon très inappropriée (frankly inappropriate). Leur sens de l’humour est bien plus altéré que celui des PNFA et des AD (1) et ce sera une bonne consolation si on vous apprend que vous êtes simplement PNFA ou AD.

Pour déceler l’Alzheimer dans vos relations, racontez-leur une blague et vous verrez immédiatement à quel type ils appartiennent. S’ils rient à une histoire qui ne vous fait pas rire, vous êtes atteint de FTD. S’ils ne rient pas et vous agressent, c’est eux qui le sont. C’est beaucoup moins cher que le test qui vous coûte, sauf erreur, quelques €150, et vous coûtera probablement plus quand l’Euro n’existera plus, ce qui est aujourd’hui prévu par pas mal de gens qui ne sont pas atteints de la maladie. Grouillez-vous.

Deuxième consolation, c’est que les robots, et en particulier les drones, vont très bientôt être capables d’aider les personnes âgées (2). Ces drones pourront tondre votre gazon, conduire votre voiture après leur atterrissage sur le siège du passager. On pense d’ailleurs organiser une conférence pour qui jugera de l’opportunité de soumettre ces drones à un examen pour obtenir leur permis de conduire ; aux dernières nouvelles, la conférence pourrait être organisée en Belgique, pour autant que Flamands et Wallons se mettent d’accord pour ne pas l’organiser à Bruxelles.

Les drones pourront aussi rapporter un objet tombé à vos pieds ou sous la table et que votre dos ne vous permet pas d’atteindre, vous apporter votre médicament oublié (pour des raisons évidentes) dans vous ne savez plus quelle chambre ni sur ou sous quel meuble.

Troisième consolation, c’est que vous finirez par prendre les drones pour des amis qui bourdonnent un peu, mais bon, la fréquentation d’amis retarde les avancées du déclin (je ne l’ai pas fait exprès) intellectuel.

Il y a tout de même une question qui continue à me tarauder. Comment ceux qui sont atteints de démence pourront-ils guider les drones ? L’histoire ne le dit pas.


(1) C. Clark, J. Nicholas, E. Gordon, H. Golden, M. Cohen, F. Woodward, K Macpherson, C. Slattery, C. Mummery, J. Schott, J. Rohrer, J. Warren, Altered sensé of humor in dementia, Journal of Alzheimer Disease 49, 111-119, 2015.


(2) J. Markoff, As aging population grows, so do robotic health aides, The New York Times, December 4, 2015.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire