mercredi 20 septembre 2017

Adonnez-vous à la procrastination

Victor Ginsburgh

Soixante chercheurs de tous les coins du monde (Allemagne, Australie, Inde, Israël, Pérou, Turquie notamment) qui étudient le phénomène appelé procrastination étaient présents à la dixième conférence bisannuelle organisée par l’université DePaul à Chicago (1). Quand je vous aurai défini le mot, vous direz tous : « Ah, il y en a d’autres qui, comme moi, remettent systématiquement au lendemain ce qu’ils devraient faire aujourd’hui » et ce jusqu’à la veille du jour où cela doit absolument être fait, ce qui nécessite la prise d’un ou deux comprimés d’anxiolytique qu’il faut toujours avoir sur soi. C’est ce qui m’arrivait, du temps où j’étais encore professeur, avec les corrections des examens écrits, et cela m’arrive encore aujourd’hui lorsque je dois remplir ma déclaration fiscale, pourtant pas bien compliquée.


Les économistes, évidemment, et les psychologues s’intéressent à la question. Les économistes, comme toujours, décrivent le comportement sous forme d’équations (des fonctions dites d’utilité) qui illustrent le phénomène, mais cela ne sert pas à grand chose, si ce n’est à essayer de publier un article dans le Journal of Behavioral Economics. Mais au moins ils disent pouvoir écrire des formes d’équations qui permettent de remettre à demain ce que vous pouvez faire aujourd’hui, y compris écrire les équations elles-mêmes. Par conséquent, on ne sait toujours pas à quoi ces équations ressemblent, ce qui n’est sans doute pas plus mal (2).

Les psychologues, nés plus malins, ont qualifié le phénomène de maladie, ce qui leur permettra, lorsqu’ils seront devenus psys de demander au procrastinateur du jour de s’asseoir dans un fauteuil ou de se coucher sur un divan et de subir une « thérapie cognitivo-comportementale ». Coût de l’opération € 100 au moins par séance, et cela peut durer des années à raison de trois séances par semaine. Traitement excellent parce qu’il vous coupe l’envie de procrastiner.

Les chercheurs sont d’accord pour dire que le taux de procrastination chronique est à peu près de 20 pourcent dans tous les pays du monde, sauf en Belgique et en France, où les administrations fiscales suivent vos actions (ou plutôt vos inactions) en temps réel.

Le « bon » procrastinateur, explique le président de la conférence, est celui qui convainc son interlocuteur impatient que la chose soit faite, qu’elle sera faite demain.


Post scriptum. La conférence n’a jamais eu lieu, parce que les chercheurs sont tous arrivés après la conférence. La prochaine a lieu dans deux ans.




(2) En fait, on sait, mais et alors ?

1 commentaire:

  1. Cher Victor,
    je ne procrastinerai pas une milliseconde de plus pour t'écrire que j'ai bien rigolé en lisant ton essai philosophique sur ce sujet. André

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