jeudi 12 octobre 2017

Déserts médicaux

Pierre Pestieau

Une des limites du libéralisme en matière de santé se manifeste au travers de l’existence croissante de déserts médicaux. On entend par là des zones du territoire où la concentration de professionnels et d'établissements de santé est insuffisante par rapport aux besoins et à la réalité démographique du territoire, ou tout du moins inférieure à la moyenne du pays. Cette désertification médicale touche en particulier — pour des raisons de plus faible attractivité — les zones rurales et les banlieues des grandes villes. Des mesures sont régulièrement prises au plan local et national pour lutter contre ce phénomène qui sans nul doute contribue à la fracture sociale, à ce sentiment d’abandon dont peut souffrir une population qui se sent une fois de plus délaissée par la « métropole ». Une fois de plus, car il existe d’autres raisons de se sentir abandonné avec la disparition des boulangeries et des épiceries, avec l’absence d’accès à internet, avec les écoles qui s’éloignent et les transports publics qui se font rares.


Pour revenir aux déserts médicaux, il faut sans doute distinguer la pénurie de médecins et la fermeture de petits hôpitaux. Celle-ci peut se justifier pour des raisons de santé publique dans la mesure ou une masse critique est indispensable pour assurer la qualité des soins. C’est cette logique qui a présidé à la fermeture de nombreuses petites maternités. Ce qu’il faut dans ce cas c’est assurer un service efficace de transport de malades.

La pénurie de médecins relève d’une autre problématique. Elle s’explique par le manque d’attractivité d’une patientèle en milieu rural. Il importe d’encourager les nouveaux praticiens à s’installer dans des territoires fragiles en échange d’avantages fiscaux. D’autres solutions existent. En échange de la gratuité des études de médecine, le jeune diplôme serait tenu d’exercer ses talents en milieu rural pendant une certaine période. Cette solution est moins réaliste dans un pays ou les études universitaires sont quasiment gratuites. Si rien n’est fait la situation risque d’empirer. Le processus de désertification est progressif. Dans les zones les plus isolées, le personnel est composé d’anciens médecins libéraux âgés. Attachés à leur patientèle, ils repoussent leur retraite et peinent à trouver un successeur. Plus la zone manque de professionnels de santé, plus ceux en activité voient le nombre de leurs patients augmenter.

D’aucuns pourraient objecter : « A qui la faute. Ceux qui décident de vivre loin de toute agglomération doivent en payer les conséquences ». Cet argument peut sans doute s’appliquer aux nouveaux venus qui prendraient leur décision en connaissance de cause mais certainement pas à ceux qui sont implantés dans leurs petits villages depuis des siècles. Et distinguer les uns des autres n’est pas chose aisée. En outre, l’Etat et donc l’ensemble de la société peuvent choisir de préserver une certaine ruralité pour des raisons écologiques ou touristiques.

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