mardi 18 septembre 2018

Le Partenariat Public-Privé. Un miroir aux alouettes



Pierre Pestieau

150 milliards à l’horizon 2030, un partenariat public-privé (PPP), six domaines prioritaires. En quelques mots, voilà le pacte d’investissement que le gouvernement fédéral belge propose pour relancer l’économie belge. Si l’expression « plan Marshall » n’avait pas été utilisée par un autre gouvernent, elle aurait certainement été recyclée pour l’occasion. On ne peut que se réjouir de cette initiative. Le seul bémol est le partenariat avec le privé à raison de 50-50.

Suite à la vague de privatisations qui a commencé avec l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan et Margaret Thatcher, l’entreprise publique n’a plus eu la cote. Et cela, même là où elle aurait dû d’imposer, c’est à dire là où la notion de services publics paraît centrale. Citons entre autres exemples les transports, les prisons, les hôpitaux. Les gouvernements tant de gauche que de droite lui ont préféré le PPP qui semble avoir le vent en poupe. Le PPP représente la dernière évolution de la nouvelle gestion publique (« new public management »), l’aboutissement de l’idée selon laquelle les pouvoirs publics et les particuliers n’ont pas des intérêts opposés, mais qu’ils peuvent être au contraire partenaires dans la mise en œuvre de projets communs d’intérêt général. Le PPP se caractérise en général par une durée relativement longue de la relation ; un transfert de tout ou partie du financement et des risques sur le partenaire privé; une participation du partenaire privé à la conception, la réalisation et la mise en œuvre du projet; une concentration du partenaire public sur la définition des objectifs à atteindre et sur le contrôle du respect de ces objectifs.


Sur le papier l’idée est séduisante. Dans la réalité elle l’est beaucoup moins. Le partenaire privé exclusivement intéressé par les rentrées financières a le plus souvent éludé une partie de son cahier des charges, profitant de ce que les pouvoirs publics ne disposaient pas de l’information nécessaire pour exercer leur contrôle.

Les organisations internationales animées par une idéologie franchement libérale ont poussé les pays industrialisés mais aussi en développement à adopter la formule du PPP. Elles continuent de le faire en dépit d’un nombre croissant d’échecs relatés dans la presse. Récemment 152 organismes de la société civile, organisations citoyennes et syndicats nationaux, régionaux et internationaux de 45 pays, ont lancé un appel mettant en garde contre l'utilisation galopante des PPP dans le monde (1). Dans cet appel ils signalent une série de dysfonctionnements et regrettent l’absence sérieuse d’études rigoureuses portant sur l’efficacité de cette formule. Le Royaume Uni qui fut le champion du PPP renonce à y recourir devant la multiplication d’échecs. En France, la Cour des Comptes n’a de cessé de dénoncer « la fuite en avant que constitue le PPP en raison de son coût et son insolvabilité financière. » (2)

Même si le PPP n’a plus la cote, il est presqu’impossible de revenir en arrière ; le partenaire privé a souvent le droit pour lui ; il est soutenu en cela par une armée de juristes redoutables. Les exemples abondent. Le tunnel de Cointe en Belgique, les autoroutes et les prisons en France sont des exemples où l’Etat se rend compte trop tard qu’il s’est fait berner et le retour en arrière n’est légalement pas possible. Les grands gagnants ?  Bouygues, Vinci et consorts du BTP (Bâtiments et Travaux Publics).

Le gouvernement belge aura-t-il la force de résister au miroir aux alouettes que représente le PPP ?  On peut en douter.



(2) http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2018/03/12/trop-couteux-les-partenariats-public-prive-n-ont-plus-la-cote_5269553_3224.html

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