jeudi 13 juin 2024

Le coût des maladies mentales

Pierre Pestieau

Les médias nous alertent régulièrement sur la préoccupante situation de la santé mentale dans nos pays. Un récent rapport de Sciensano (1) révèle qu’en Belgique, environ 1 adulte sur 10 souffre d'un trouble de santé mentale tel que l'anxiété ou la dépression. Chez les enfants de 2 à 18 ans, environ 1 sur 10 présente des difficultés psychologiques ou comportementales nécessitant un suivi professionnel. Ces chiffres révèlent une souffrance souvent dissimulée et posent un véritable défi, car ils ont un impact économique significatif difficile à quantifier.

Une étude américaine apporte des éclairages intéressants à ce sujet (2). Selon cette étude novatrice, les maladies mentales coûtent 282 milliards de dollars par an à l'économie américaine, soit l'équivalent d'une récession économique moyenne. Cette estimation, représentant environ 1,7 % de la consommation nationale, dépasse de 30 % les évaluations antérieures du coût global des maladies mentales. Contrairement aux études précédentes qui se concentraient sur la perte de revenus et les coûts de traitement, cette nouvelle étude prend en compte diverses autres conséquences économiques négatives associées aux maladies mentales, telles que la diminution de la consommation, des investissements et le choix d'emplois moins exigeants chez les personnes affectées.

Au niveau national, plus de 20 % des adultes vivent avec une maladie mentale, dont environ 5,5 % souffrent de formes graves. D'après l'étude, fournir des services de santé mentale à tous les jeunes de 16 à 25 ans atteints de troubles mentaux engendrerait des bénéfices sociaux équivalant à 1,7 % de la consommation globale. Les chercheurs modélisent la maladie mentale comme un état de pensées négatives et de rumination, renforcé par le comportement. En conséquence, les patients travaillent, consomment et investissent moins, ce qui aggrave leur état en les empêchant parfois de suivre un traitement adéquat.

Une étude récente (3) semble indiquer que le problème touche aussi l’Europe avec une évolution inquiétante. Avant 2010, la relation entre d’une part l’âge et d’autre part la santé mentale ou le bien-être subjectif avait une forme de U. En d’autres termes c’est au milieu du cycle de vie que les gens se trouvaient les moins heureux et avaient la moins bonne santé mentale. Cette étude, qui porte sur la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et la Suède, indique que la santé mentale s’améliore désormais de manière à peu près monotone avec l'âge, tandis que le bien-être subjectif augmente avec l'âge. En d’autres termes, ce sont les jeunes qui sont les plus touchés par les maladies mentales et qui sont les moins heureux. Cette étude montre également que les jeunes dont la santé mentale est moins bonne passent quotidiennement plus de temps devant un écran, sur Internet ou sur leur smartphone. Ces résultats semblent importants, car il s'agit de l'un des premiers travaux de recherche qui recourent à des données de panel pour suivre la relation entre le temps passé devant un écran et l'évolution de la santé mentale.

Ces études confirment la nécessité d’éloigner les jeunes des téléphones intelligents et des tablettes électroniques. Malheureusement comme pour la malbouffe, l’alcoolisme et le tabagisme, les pouvoirs publics manquent d’instruments efficaces.






(2). Abramson,B., J. Boerma and A. Tsyvinski (2024), Macroeconomics of Mental Health, NBER Working Paper #32354
(3). Blanchflower, David G. and Bryson, Alex and Lepinteur, Anthony and Piper, Alan, Further (2024), Evidence on the Global Decline in the Mental Health of the Young , NBER Working Paper #32500, https://ssrn.com/abstract=4843059


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