jeudi 18 juillet 2024

Selon les estimations des chercheurs, au moins 186 000 morts pourraient résulter de la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza

Traduit en français de le revue The Lancet (*)

 

Le 19 juin 2024, 37 396 personnes avaient été tuées dans la bande de Gaza depuis l'attaque du Hamas et l'invasion israélienne en octobre 2023, selon le ministère de la Santé de Gaza, comme le rapporte le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU.

 

Les chiffres du ministère ont été contestés par les autorités israéliennes, bien qu'ils aient été acceptés comme exacts par les services de renseignement israéliens, l'ONU et l'OMS. Ces données sont étayées par des analyses indépendantes, comparant l'évolution du nombre de décès provenant du personnel de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies (UNRWA) et ceux rapportés par le ministère qui ont trouvé invraisemblables les affirmations de fabrication de données.

 

La collecte des données devient de plus en plus difficile pour le ministère de la Santé de Gaza en raison de la destruction d'une grande partie de l'infrastructure.

 

Le ministère a dû compléter ses reportages habituels, basés sur les personnes décédées dans ses hôpitaux ou amenées mortes, avec des informations provenant de sources médiatiques fiables. Ce changement a inévitablement dégradé les données détaillées enregistrées précédemment. En conséquence, le ministère de la Santé de Gaza rapporte désormais séparément le nombre de corps non identifiés et le nombre total de morts. En date du 10 mai 2024, 30 % des 35 091 décès n'étaient pas identifiés.

 

Certains responsables et agences de presse ont utilisé ce développement, conçu pour améliorer la qualité des données, pour saper la véracité de celles-ci. Cependant, le nombre de décès signalés est probablement sous-estimé. L'organisation non gouvernementale Airwars procède à des évaluations détaillées des incidents dans la bande de Gaza et constate souvent que les noms des victimes identifiables ne figurent pas sur la liste du ministère. En outre, l'ONU estime qu'au 29 février 2024, 35 % des bâtiments de la bande de Gaza avaient été détruits. Le nombre de corps encore enterrés dans les décombres est donc probablement important, avec des estimations de plus de 10 000.

 

Les conflits armés ont des conséquences indirectes sur la santé au-delà des dommages directs causés par la violence. Même si le conflit prend fin immédiatement, il continuera d'y avoir de nombreux décès indirects dans les mois et les années à venir, dus à des maladies telles que les maladies reproductives, transmissibles et non transmissibles. Le nombre total de morts devrait être élevé compte tenu de l'intensité de ce conflit: (a) destruction de l'infrastructure de soins de santé, (b) induction de graves pénuries de nourriture, d'eau et d'abris, (c) incapacité de la population de fuir vers des lieux sûrs et (d) perte de financement de l'UNRWA, l'une des rares organisations humanitaires encore actives dans la bande de Gaza.

 

Dans les conflits récents, ces décès indirects varient de trois à 15 fois le nombre de décès directs. Une estimation prudente de quatre décès indirects pour un décès direct des 37 396 décès signalés, permet d'estimer que jusqu'à 186 000 morts, voire plus, pourraient être imputables au conflit actuel à Gaza. 

 

Pleurs à Gaza

 

Si l'on utilise l'estimation de la population de la bande de Gaza (2 375 259 en 2022), cela représenterait 7,9 % de la population totale de la bande. Un rapport du 7 février 2024, au moment où le bilan direct était de 28 000 morts, estimait que sans cessez-le-feu, il y aurait entre 58 260 et 85 750 décès d'ici le 6 août 2024.

 

Un cessez-le-feu immédiat et urgent dans la bande de Gaza est essentiel. Il doit être accompagné de mesures permettant la distribution de fournitures médicales, de nourriture, d'eau potable et d'autres ressources pour répondre aux besoins humains fondamentaux. De même, il est nécessaire de prendre acte de l'ampleur et de la nature de la souffrance dans ce conflit. Il est essentiel de documenter l'ampleur réelle pour assurer la responsabilité historique et reconnaître le coût total de la guerre. C'est aussi une obligation légale. Les mesures provisoires énoncées par la Cour internationale de justice en janvier 2024 exigent qu'Israël « prenne des mesures efficaces pour empêcher la destruction et assurer la préservation des preuves liées aux allégations d'actes relevant du champ d'application de la Convention sur le génocide ».

 

Le ministère de la Santé de Gaza est la seule organisation à compter les morts. Ces données seront cruciales pour le relèvement d'après-guerre, la restauration des infrastructures et la planification de l'aide humanitaire.

 

(*) Traduit de https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(24)01169-3/fulltextThe Lancet est une revue médicale hebdomadaire, et des plus anciennes de ce genre. The Lancet a l’impact le plus important des revues académiques. Elle a été fondée en Angleterre en 1923. Le Groupe Lancet adopte une position neutre à l'égard des revendications territoriales dans les textes publiés et les affiliations institutionnelles.

 

 

2 commentaires:

  1. On comprend mieux ces chiffres en partant du constat qu'il ne s'agit pas d'une "guerre entre Israël et le Hamas à Gaza".

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