mercredi 8 octobre 2014

« La femme de César ne doit pas être soupçonnée »


Pierre Pestieau

Cette phrase évoque un épisode de la vie de César qui fut contraint de répudier sa femme suite à une rumeur d’infidélité qui ne fut jamais avérée.

Elle est ressortie des rayons tout récemment à propos de l’affaire Thevenoud, ce nouveau ministre de Manuel Valls qui dut démissionner après quelques jours pour rumeur de fraude fiscale. La presse de droite comme de gauche prise d’une frénésie anti-Hollande, ce qu’on appelle plus élégamment le Hollande bashing, fit ses titres gras de ce nouvel avatar.

Après analyse, il semblerait que ce députe dynamique du PS avait simplement été négligent ; il n’avait pas envoyé sa déclaration fiscale dans les délais et avait, de ce fait, été soumis à une amende de retard dont il s’était acquittée à deux reprises. De la sorte, il a contribue plus qu’il ne le devait au budget de l’Etat. Beaucoup de contribuables pratiquent ce type d’oubli qui parfois peut être parfaitement rationnel. Les économistes du comportement étudient depuis plusieurs années ces situations de procrastination qui affectent de nombreux individus. Les uns procrastinent devant le fisc, d’autres dans le règlement de leurs factures  ou le respect d’un plan d’épargne. A première vue, c’est totalement irrationnel ; il suffirait de presque rien pour éviter une amende mais précisément ce presque rien peut nous paraître énorme comme si l’on était sur une planète dont la pesanteur ferait qu’un litre d’eau pesât une tonne. Dans le cas de Thevenoud on a parle de phobie administrative pour en rire ou pour la trouver anormale. Les éditeurs de revues scientifiques savent que la majorité des rapporteurs qui s’engagent à remettre leurs commentaires dans les 3 mois souffrent de phobie éditoriale. Ce qui entraîne de nombreux rappels, sans conséquences pour eux.
L’affaire Thevenoud rappelle une autre affaire, celle de l’avoir fiscal (1), qui causa la perte de Jacques Chaban Delmas, ce fringuant premier ministre de George Pompidou. On lui reprocha de n’avoir pas payé d’impôt une année en bénéficiant d’une règle qui permettait d’éviter l’impôt si l’on avait subi des pertes en capital supérieures à ses revenus. C’était parfaitement légal. Mais la symbolique d’un impôt nul pour un candidat a la présidence (Pompidou était mort avant la fin de son mandat) lui fut fatale. La France eut Giscard.

Dans ces deux affaires, les quelques analystes qui avaient compris que rien d’illégal n’avait été commis, ont néanmoins approuvé la curée qui a amené la démission du ministre et celle de sa femme et le retrait de la vie politique nationale qu’a subi Chaban. Et ce au nom de l’exemplarité. César se doit d’être irréprochable et cet impératif s’étend à sa famille. Mais il faut se méfier des parangons de vertu qui jouent les censeurs. Ils ont parfois un côté obscur à la manière d’un Tartuffe.

A propos de Tartuffe, j’ai une petite anecdote. Il y a  une quinzaine d’années j’ai eu le privilège diner avec quelques autres en face du PDG d’une grosse société d’assurance. La conversation allait bon train quand soudainement notre hôte d’honneur s’est enflammé pour dénoncer la fraude à l’assurance et la timidité des pouvoir publics pour lutter contre ce fléau. Quelques semaines plus tard, il était inculpé pour détournement de fonds.

(1) L'avoir fiscal correspond au montant qu'un actionnaire, peut déduire de ses impôts (IRPP ou IS). Il correspond à une partie (actuellement 50%) des dividendes perçus pendant l'année. La logique de l'avoir fiscal est de ne pas imposer en totalité les dividendes versés par les sociétés, ces dernières ayant déjà payé un impôt sur les bénéfices.



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