mercredi 14 novembre 2018

Idées pas si reçues que cela

Pierre Pestieau

Nous aimons parler d’idées reçues ou de mythes à propos de croyances largement partagées et néanmoins fausses. Nous aimerions penser qu’une fois l’erreur démontrée, chacun s’accorderait à rectifier sa croyance. Un peu comme lorsque l’on a une illusion d’optique. Dès qu’on nous l’explique, elle disparaît. Ce n’est pas toujours le cas. Voici quelques exemples.


Quelques idées reçues, lues ou entendues.
1.     Le privé est plus efficace que le public. Il faut donc encourager dans la mesure du possible la privatisation ou à tout le moins le partenariat privé public.
2.     Que ce soit pour la petite enfance ou pour la dépendance, l’aide familiale doit être préférée à l’aide fournie par le marché ou le public.
3.     Pour l’art et la recherche, les fondations privées sont plus efficaces que l’Etat.
4.     Dans le domaine de la santé, le recours au marché permet de réduire les coûts.
5.     Une réduction du déficit de l’Etat et partant, de sa dette, est toujours souhaitable.

Ces affirmations sont à mon sens fausses si on les accompagne d’un « toujours » implicite. Si en revanche, c’est « parfois » ou « souvent » qui est sous-entendu, alors ces affirmations sont correctes. Faute de clarifier leur caractère absolu ou relatif,  on ne peut eviter des discussions qui tournent au dialogue de sourds. Ci-dessous, j’apporte mon interprétation de ces cinq affirmations qui, on l’a compris, vient du camp libéral.

11.     Il n’a jamais été établi que l’entreprise publique était moins performante que l’entreprise privée. En revanche, il est admis que ce qui conduit à une gestion efficace c’est la mise en concurrence de l’entreprise et le degré d’autonomie dont elle jouit. Le partenariat privé public qui à un certain moment semblait attractif s’est avéré décevant. Le privé ne remplissait pas le cahier des charges qui lui avait été assigné et le public se trouvait souvent engagé dans des obligations financières dont il ne pouvait guère se dépêtrer.

22.    L’aide familiale est à première vue la solution idéale. Elle ne coûte rien et est motivée par l’altruisme. Il est dès lors fréquent que l’Etat refuse de s’engager dans des domaines où la famille peut faire mieux que lui. C’est oublier plusieurs réalités. D’abord, l’aide familiale n’est pas sans coût. Surtout lorsqu’elle résulte d’une norme familiale et non du libre arbitre de la personne aidante. Les cas de burn-out et de dépression chez les aidants sont fréquents. Ensuite l’aide familiale n’est pas universelle. Un enfant, une personne âgée, un handicapé sans famille ou avec une famille sans ressources sera lésé. Enfin, l’aide informelle peut induire une allocation inefficace du travail.

33.   Dans le domaine de la recherche comme celui des arts, le rôle des fondations est connu. De là à penser qu’elles pourraient se substituer progressivement à l’Etat, il y a un pas que certains conservateurs n’hésitent pas à franchir. C’est oublier un peu rapidement que l’intervention des fondations est minime au regard de celle des pouvoirs publics. La théorie des contributions volontaires aux biens publics est là pour nous rappeler que dans les meilleures conditions, elle restera marginale. Autre élément, les fondations placent souvent leur effort sur des projets qui frappent l’opinion et négligent des domaines sans doute plus pertinents mais moins visibles. Enfin, il ne faut pas oublier que ces contributions bénéficient le plus souvent d’avantages fiscaux, ce qu’on appelle des dépenses fiscales, dont l’Etat aurait bien besoin dans ses missions prioritaires.

  4. Certains Etats pourraient être tentés de résoudre les problèmes financiers que posent leurs systèmes de santé en les confiant pour partie au marché. Cette formule qui caractérise le système de santé des Etats Unis a deux inconvénients. Elle débouche sur une médecine à deux vitesses cruellement inéquitable et elle débouche sur une augmentation des dépenses.


55.     Nul ne niera que le poids de la dette publique que connaissent certains pays obère leur action et que l’idéal à terme serait de réduire les déficits qui en sont responsables. Il demeure qu’à certains moments, lorsque la demande globale est insuffisante et que sévit un taux de chômage sévère, une augmentation des déficits peut s’avérer désirable à condition que l’Etat s’engage à rétablir l’équilibre budgétaire dès que la reprise se manifestera.

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