mercredi 20 février 2019

Repenser la gauche. L’environnement

Pierre Pestieau

 Les questions environnementales sont nombreuses. Celle qui vient d’abord à l’esprit est la question du changement climatique. Cette question peut être subdivisée en deux sous-questions : quelles sont les conséquences de ce changement et quelles en sont les causes ?

On peut citer quatre conséquences majeures du changement climatique (1). D’abord les phénomènes climatiques extrêmes comme des tempêtes, sécheresses, des précipitations abondantes... arrivent de plus en plus fréquemment. Ensuite, les saisons sont devenues instables, ce qui a, entre autres, des effets sur l'agriculture et sur la flore et la faune. En outre, le niveau des mers monte ce qui constitue une menace pour des millions de personnes vivant à proximité des côtes. Enfin, il y a la fonte des glaciers qui devrait mettre en danger l'approvisionnement en eau de nombreuses personnes. 


Quant aux causes, selon le GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat sous l’égide de l’ONU), le lien entre le dérèglement climatique et l’exploitation des énergies fossiles est extrêmement probable, c’est-à-dire avéré à 95%. La quasi unanimité des scientifiques qui travaillent sur le changement climatique estiment que la Terre se réchauffe en raison des activités humaines. Malgré cela, les gouvernements ne bougent pas et s’ils le font, c’est trop lentement que pour être significatif. Bien sur, les groupes pétroliers minimisent les études sur le dérèglement climatique et financent les lobbys industriels, qui eux-mêmes agissent sur les medias et les chercheurs.

En dépit du consensus de la communauté scientifiques, on trouve ici comme ailleurs des négationnistes. On ne peut s’empêcher d’établir une analogie entre le changement climatique et la cigarette. Pendant plusieurs décennies, alors que l’on connaissait la nocivité du tabac, des lobbies puissants et des scientifiques vendus ont continué de la nier. Pour poursuivre l’analogie, le fumeur qui sort de chez son radiologue qui lui révèle des taches noires sur les poumons, plus grandes que lors de la précedente consultation, peut très bien ne pas en tenir compte tant il est accroc à la cigarette. Notre société est dans cette situation. Elle connaît les risques mais les habitudes sont plus fortes. N’aurions nous pas atteint un point-du non retour ? C’est la question angoissante que l’on peut legitimement se poser.

Le respect de l’environnement se manifeste de differents manières qui dépassent la seule question du changement climatique. Il inclut les économies d’énergie que ce soit de chauffage ou de transport, une conception plus rationnelle de l’habitat, une diminution de la consommation de viande, une agriculture moins consommatrice d’engrais chimiques et de pesticides. Ces differents aspects d’un comportement proprement écologique sont complémentaires et non exclusifs, comme c’est trop souvent le cas. Beaucoup de végétariens et a fortiori de véganes, pour prendre un exemple, n’ont guère d’intérêt pour les autres dimensions d’un environnement sain. Un adversaire acharné de l’utilisation du roundup peut sans problème rouler en quatre-quatre.

Une des difficultés que la gauche a longtemps éprouvée est de penser qu’il existe un arbitrage entre l’emploi et l’environnement  et de choisir l’emploi au nom d’un certain court-termisme. On trouve un arbitrage de la même nature entre emploi et équilibre budgétaire. Il est maintenant admis que cette vision d’une opposition entre polique environnemenetale et politique de plein emploi n’est correcte que dans l’extrême court-terme. Dès lors que l’on adopte une perspective plus longue , on se rend compte que les investissements pour la protection de l’environnement peuvent générer de nombreux emplois.

Toute politique environementale se heurte aux contraintes citées ci-dessus (2) à savoir le NIMBY et le divorce entre l’espace politique et l’espace financier. En fait ces deux contraintes sont liées. Les individus comme les nations jouent au passager clandestin. On est pour l’environnement mais on compte sur le voisin pour en assumer la responsabilité. Toutes les nations réalisent qu’elles sont soumises aux mêmes problèmes et qu’en agissant de concert elles pourraient les résoudre. La difficulté est d’arriver à un accord comme le montrent les échecs successifs des COB (Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques). Cet accord est difficile parce qu’il demande l’unanimité et un jeu de compensations équitables. Il suffit de quelques mauvais coucheurs pour qu’il capote. En outre même si l’accord se fait au bénéfice de tous, il demande que les perdants soient compensés par les gagnants, ce qui n’est pas toujours aisé.

Comment doit réagir une gauche responsable, qui sait qu’elle n’a d’influence directe que sur la gouvernance de son pays ?  Elle doit en premier lieu éviter l’injonction « y’a qu’a ». Y’a qu’à s’accorder avec les autres pays pour arriver à un accord « gagnant gagnant » . C’est précisément ce que les COP ont vainenent essayé de faire. Il ne faut pas y renoncer mais dans l’immédiat il faut trouver autre chose. Il existe de nombreux domaines où il est possible d’agir au seul échelon national : les moyens de transport, le chauffage des habitations, la structure de l’habitat, l’alimentation, la pollution industrielle, les pratiques agricoles en matière d’arrosage, de pesticides et d’engrais. Ce qui importe pour chacun de ces sujets est de voir l’impact que chaque mesure aura sur le budget de l’Etat, la distributions des revenus et l’emploi. Mais attendre l’émergence d’un accord international pour agir serait irresponsable.

Concrètement, je verrais trois axes d’actions possibles au niveau national. D’abord, la rénovation thermique des bâtiments. Deuxièmement, la « mobilité verte. » qui implique une hausse de la fiscalité sur les carburants fossiles et l’aménagement du territoire qu’il faut revoir. Il faut en finir avec la banlieue pavillonnaire sur le modèle californien, avec ses centres commerciaux accessibles uniquement en voiture – tout cela est condamné à terme. Enfin, une politique de verdissement des processus de production industriels et agricoles (3).


(1) http://www.climatechallenge.be/fr/des-infos-en-mots-et-en-images/quelles-en-sont-les-consequences/deregulations-des-oceans.aspx 
(2) Voir Blog précédent.
(3) Reprenant ainsi les trois chantiers de Gaël Giraud :

http://blogdenico.fr/entretien-avec-gael-giraud-33-la-transition-ecologique-et-son-financement/

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