jeudi 3 octobre 2024

Socialite et pas socialiste

Pierre Pestieau

Socialite’ est un mot anglais, qui se traduit par mondain. J’ai eu récemment l’occasion de visiter la propriété du parangon des ‘socialites’ américaines. Il s’agit de Marjorie Merriweather Post, née à Springfield dans l’Illinois et décédée en 1973, à Washington DC. Elle fut pendant de nombreuses années la femme d’affaires américaine la plus riche. Elle était la propriétaire de la fameuse firme General Foods.



Elle a utilisé une grande partie de sa fortune pour collectionner des œuvres d'art, en particulier de l'art russe pré-révolutionnaire et de nombreux objets ayant appartenu à Marie Antoinette. Une grande partie de ces œuvres est aujourd'hui exposée dans une de ses propriétés, l’Hillwood Estate, Museum & Gardens, qui comme son nom l’indique est devenue un impressionnant musée, situé aux confins de Washington.

La visite du musée comme celle des jardins était intéressante ; elle vaut le détour. Il demeure qu’elle entraîne un certain malaise pour deux raisons. D’abord, il semble étrange, anachronique, de consacrer autant de ressources à commémorer deux époques qui furent loin d’être les plus démocratiques et partageuses de l’Histoire de l’Europe, et qui d’ailleurs furent l’une et l’autre suivies de deux des révolutions les plus marquantes.

La seconde raison est sans doute plus substantielle. Tout au long de la visite, la guide ne cessait de nous vanter la générosité de cette femme qui avait consacré une important fraction de sa fortune au bien-être de l’humanité, alors qu’elle aurait pu la consacrer à son intérêt propre. Cet argument se retrouve dans les brochures que l’on reçoit au début de la visite. Il appelle deux réactions. D’abord, on sait que les multimilliardaires ne pourraient consacrer qu’une infime partie de leur richesse à la consommation la plus somptuaire que l’on puisse imaginer. Ensuite, penser que les ultrariches contribuent plus au bien-être social par leurs donations que si leur richesse avait été taxée et du coup utilisée par l’État pour ses dépenses courantes est une idée qui est largement répandue dans les milieux conservateurs aux États-Unis et ailleurs. Cette idée que les riches savent mieux que l’État ce qui est bon pour la société ne tient pas la route.

Il est malheureusement de plus en plus fréquent d’entendre des gens prétendre que les individus contribuent plus efficacement au bien-être collectif par leurs dons à des œuvres de bienfaisance, à la recherche scientifique ou à des œuvres artistiques que l’État agissant dans les mêmes domaines. Cette théorie se heurte à deux réalités. D’abord, les donations privées, surtout quand elles émanent de milliardaires, sont orientées vers des objectifs spécifiques qui n'ont pas l’universalité de la politique publique. En outre, on sait que si les taxes étaient remplacées par des contributions volontaires, le phénomène du passager clandestin conduirait à des montant nettement plus faibles.

La conclusion est évidente et sans surprise : des ‘socialites’ comme Mme Merriweather Post sont loin d’être des socialistes. 

1 commentaire:

  1. Je ne suis pas en désaccord avec cet argument mais logiquement, il n’est pas clair que les autorités savent toujours mieux dépenser cet argent que les riches. Les autorités pourraient allouer cet argent aux armements, ce qui n’est pas le cas pour les riches. Et les autorités pourraient utiliser l’argent pour des dépenses courantes alors que les riches le font en général pour des investissements (éducation, santé, recherche, comme par ex. Bill Gates)

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