mercredi 3 octobre 2018

Les jeunes et les vieux

Pierre Pestieau

Une des motivations majeures que l’on trouve dans les différents projets de réforme des systèmes de retraite est l’idée bien légitime qu’il faut préserver le bien être des générations à venir. Il existe de nombreuses méthodes qui permettent de montrer que la dette que nous laissons à ces générations est exorbitante, nettement plus élevée que la seule dette publique, qui, soit dit en passant, n’est pas négligeable en France comme en Belgique, puisqu’elle tourne autour de 100% du PIB.

Une autre façon, moins précise mais plus parlante, de mesurer cette iniquité intergénérationnelle est de comparer les taux de pauvreté des personnes âgées avec celui des jeunes. Ici aussi le verdict est sans appel. La pauvreté est plus élevée chez les jeunes que chez les vieux.


Comment expliquer cette disparité qui n’est pas due au seul système de retraites ? Une explication courante est politique. Le poids électoral des personnes âgées n’aurait jamais été aussi élevé qu’il ne l’est aujourd’hui. C’est un peu court. Certes l’âge médian ne cesse d’augmenter mais il se situe bien en deçà de l’âge de 65 ans. Au Japon et en Allemagne, les premiers de la classe, il est respectivement de 46,5 et 46,3 ans. En Belgique et en France, il est de 41,9 et 41 ans.

L’explication pourrait être ailleurs. Elle se trouverait dans la perception erronée que l’électeur lambda peut avoir des mérites relatifs des jeunes et des vieux en situation de précarité. Dans l’idéologie libérale, qui nous vient des Etats Unis et du Royaume Uni, on a pris l’habitude de distinguer les pauvres méritants et les pauvres non méritants. On a en tête l’image de la dame patronnesse qui, au sortir de sa messe dominicale, examine la file de mendiants et choisit celui ou celle qui mérite d’être aidé pour une série de raisons liées à l’apparence.

Selon cette idéologie, le pauvre  mériterait d’être aidé si l’on juge qu’il ne peut sortir de son état de pauvreté. Ce sera le cas s’il souffre d’un handicap observable. Si ce n’est pas le cas, et qu’il est jeune, on le soupçonnera de simuler une incapacité à subvenir à ses besoins et éventuellement à ceux de sa famille. Apres tout, comme le dit le président Macron, il suffit de traverser la rue pour trouver un emploi. C’est naturellement oublier toutes les bonnes raisons pour lesquelles une personne jeune et apparemment en bonne santé peut se trouver dans un état de pauvreté. Il y a tous les problèmes psychologiques et physiques non visibles dont elle peut souffrir. Il y a aussi le manque de formation professionnelle et un marché du travail déprimé qui peut expliquer l’impossibilité de trouver un emploi.


Beaucoup d’hommes politiques de droite à commencer par Laurent Wauquiez, le président des Républicains, insistent sur cette notion de mérite. Ils affirment que certains ne font pas les efforts nécessaires pour s’en sortir : ils soupçonnent les pauvres de prendre indûment du bon temps en vivant aux crochets de la solidarité nationale, voire de frauder. Ils utilisent des anecdotes isolées en les généralisant sans scrupule pour étayer leur argument et demander un renforcement des contrôles et une réduction des prestations.


Les personnes âgées ne souffrent pas de ce soupçon sur le mérite. Même le libéral le plus obtus doit admettre qu’il ne leur est pas possible de trouver un emploi. Quoique, aurait dit Raymond Devos, dans certaines sociétés on ne s’offusque pas de voir une personne frôlant la maladie de Parkinson trimer dans un McDonald.

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