mardi 9 octobre 2018

Les économistes et le climat

Pierre Pestieau

Giraffe inondée
Le prix de la Banque de Suède (Prix Nobel en sciences économiques) vient d’être décerné aux Américains William Nordhaus et Paul Romer. Il les récompense pour avoir « mis au point des méthodes qui répondent à des défis parmi les plus fondamentaux et pressants de notre temps : conjuguer croissance durable à long terme de l’économie mondiale et bien-être de la planète »
Cette attribution m’a conduit à m’interroger sur le rôle que les économistes pouvaient jouer sur les questions de changement climatique. Romer est surtout connu pour ses travaux sur la croissance endogène, travaux qui en général ignorent royalement les questions d’environnement et de climat. Quant à Nordhaus, qui est sûrement l’un des économistes de l’environnement les plus connus, je retiens de lui sa réaction au fameux rapport Stern qui, en 2006, jetait un pavé dans la mare climatique. Ce rapport évaluait en effet le coût de l’inaction contre le changement climatique à 5-20 % du PIB mondial contre 1 % pour celui que représenteraient des reformes drastiques. Il a fait grand bruit à l’époque et il continue d’être pertinent. Il émanait non pas d’une quelconque ONG « partisane » mais du respectable ministère des finances britannique. Il avait été coordonné par Nicholas Stern, qui comme Romer est un ancien chef économiste et vice-président de la Banque mondiale.


La réaction de Nordhaus était typique de celle des économistes qui tendent à rasséréner l’opinion. Il observait que dans ses calculs, Stern et ses associés avaient utilisé un taux d’escompte beaucoup trop faible et que si on utilisait un taux d’escompte correspondant a celui du marché, le diagnostic serait beaucoup moins alarmant. Rappelons que le taux d’escompte mesure le poids que l’on donne aux générations futures relativement aux générations présentes. Stern considérait que les générations présentes et futures méritaient la même pondération, alors que les marchés privilégient les générations présentes. Les économistes orthodoxes n’aiment pas le catastrophisme. Ils font confiance aux marchés même s’ils lui reconnaissent certaines défaillances. Les économistes hétérodoxes sont davantage préoccupés paer les questions de pauvreté et de chômage, et plus généralement par une critique du capitalisme.

Paris dans trente ans
Je ne suis pas un spécialiste de l’environnement mais je suis frappé que la plupart des articles qui nous alarment sur les risques des changements climatiques ne viennent pas des économistes. Le Monde du 8 octobre publie une chronique de Frédéric Joignot intitulée « Climat : comment expliquer une aussi criminelle apathie face au drame annoncé ? ».  Le ton est donné et l’article de commencer par une citation de la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte : « Nous avons  parfois l’impression d’observer une tragédie grecque, dans le sens où vous savez ce qu’il va se produire, et vous voyez les choses se produire ! ». Cette remarque faisait suite au constat que sur les 180 signataires de l’accord de Paris de 2015 (COP21), neuf pays seulement ont soumis aux Nations Unies des programmes concrets pour limiter les émissions des gaz à effet de serre.

Le chronique de Joignot vise à expliquer les raisons d’une « aussi criminelle apathie face au drame annoncé ». Nous serions selon lui entrés dans le « capitalocène » : l’ère du système capitaliste triomphant, incapable de contenir sa course effrénée au profit. Il cite les travaux d’une série de chercheurs non économistes pour qui la révolution industrielle et la mondialisation des économies pousse à une croissance ignorante de ses implications pour l’environnement et le climat.  La chronique de Joignot se termine par « c’est désormais la fin du capitalisme qu’il faut penser, et non la fin du monde ».

Et comme pour confirmer ce pessimisme, Le Monde du 9 octobre titre à la une : « Climat : une dernière chance pour la planète. Les experts internationaux du climat ont présenté, lundi 8 octobre, leur nouveau rapport sur l'évolution du réchauffement de la Terre. Les scientifiques estiment qu'il est encore possible de contenir la hausse moyenne des températures sous la barre fatidique de 1,5 °C  Mais cet objectif ne sera atteint que si des mesures draconiennes de réduction des émissions de CO2 sont mises en place par tous les Etats d'ici à 2030  Si la hausse devait être supérieure à 1,5 °C par rapport à l'ère préindustrielle, l'impact écologique et économique serait dramatiquement démultiplié ».




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