dimanche 14 octobre 2018

Les post-vagues qui résultent de la Joyeuse Entrée » de Kavanaugh à la Cour Suprême

Victor Ginsburgh

Il faudrait pendre (parce que la pendaison existe encore dans ce pays, dans l’Etat de Washington, notamment) celui qui a récemment osé dire : « Je pense que les femmes ont été bien plus fortes que les hommes dans cette lutte. Elles ont été indignées (outraged) par ce qui est arrivé à Brett Kavanaugh. Oui, indignées » (1). Vous aviez évidemment deviné que ce ne pouvait être que Donald Trump pour raconter de telles conneries.

Mais de fait, cinq des six sénatrices républicaines ont voté pour Kavanaugh. Femmes, retenez leurs noms, mais haïssez-les : Susan Collins, Deb Fischer, Shelley Moore Capito, Joni Ernst et Cindy Hyde Smith. Seule Lisa Murkowki, sénatrice de l’Etat d’Alaska, s’est déclarée « présente », mais sans voter « oui ». Elle a avoué « avoir subi son #MeToo personnel, sans donner de détails » (2).


Les hommes de l’Etat dont elle est sénatrice sont particulièrement violents avec les femmes— et, sans surprise, c’est aussi l’Etat dans lequel le taux de port d’arme est le plus important. Quelque 33 pourcent des femmes qui y vivent ont été l’objet de violences sexuelles. Le mois dernier, un homme d’Anchorage (la capitale de l’Etat) a plaidé coupable d’avoir agressé une femme d’origine inuit, à laquelle il avait « proposé un tour » en voiture. Il l’a étouffée jusqu’à ce qu’elle perde conscience et a fini par éjaculer sur elle. Il a été acquitté (3).

Ce qui n’a pas empêché une certaine Sarah Palin dont vous vous souviendrez, de déclarer qu’on allait attendre Mme Murkowski au tournant la prochaine fois qu’elle se présentera aux élections en Alaska, et Laura Ingraham, animatrice à Fox News, de twitter « J’aime beaucoup l’Alaska. Peut-être est-il temps que je me présente aux élections. Lisa Murkowski a abandonné tous les principes de procédure régulière et de justice. Quelle honte ! » (4).

Le juge Kavanaugh s’est lamenté que sa famille et sa réputation avaient été « détruites de façon permanente » suite aux on-dit d’agressions sexuelles. Mais comme le dit le New York Times, « lui est devenu Juge à la Cour Suprême, alors que ses ‘accusatrices’ feront face à des conséquences durant des dizaines d’années à venir » (5).

Christine Blasey Ford a fait l’objet de menaces de mort et a été obligée de quitter sa maison. Son nom a suscité des éclats de rire et des applaudissements suite à un discours que Trump a fait en l’imitant et en se moquant d’elle.

Deborah Ramirez a fait part de son embarras, de sa gêne et de l’humiliation qu’elle a ressentie lorsque Kavanaugh l’a agressée lors de ses études. Elle a proposé de témoigner, mais n’a pas été invitée par le FBI. Au contraire, le sénateur républicain Orrin Hatch et Trump l’ont remballée en la traitant de menteuse. Le FBI n’a pas davantage écouté Julie Swetnick et Renate Schroeder Dolphin, deux autres femmes qui ont « rencontré » Kavanaugh. Sans compter celles qui n’ont rien dit.

Le député républicain Kevin Cramer a suggéré que s’il avait pu, il aurait voté pour Kavanaugh, même si ce dernier avait vraiment essayé de violer Christine Blasey (5).

Et le New York Times (5) de conclure que le Sénat « devrait présenter ses excuses aux femmes dont la réputation a été ruinée suite à leur prise de position. Un homme d’une autre stature que Kavanaugh aurait sans doute demandé pardon à Renate Schroeder Dolphin de s’être moqué d’elle à l’école. Même si le nouveau juge de la Cour Suprême n’aura pas à répondre des dommages qu’il a infligés, nous, nous devons de le faire ».

Finissons quand même cette sale histoire ou histoire sale par un clin d’œil à Andy Borowitz, journaliste de premier plan au New Yorker, pour ses articles satiriques : « Vingt millions de témoins s’avancent pour clamer qu’ils ont vu Kavanaugh mentir sous serment. Ces témoins se rappellent exactement où ils ont vu Kavanaugh mentir : une salle de réunion du Sénat américain. Ils se rappellent aussi du moment où la chose est arrivée : un jeudi après-midi du mois d’octobre 2018. Le FBI a refusé de les interroger » (6). Kavanaugh est aussi déçu de découvrir que la Cour Suprême n’a pas de « happy hour », cette tradition américaine de bar, que nous nous connaissons aussi, qui sert des bières et autres à demi-prix entre 17 et 19 heures : « Je ne pouvais pas y croire », aurait-il dit, « je me crève de fatigue pendant six heures et devrais pouvoir me décharger de ma vapeur » (7). En anglais, c’est plus élégant et se dit « I had been busting my tail for six hours, and I needed to blow off some steem, » littéralement, j’ai cassé ma queue pendant six heures, et avais besoin de décharger.



(1) Sheryl Gay Stolberg, Kavanaugh is sworn in after close confirmation vote in the Senate,
The New York Times, October 6, 2018.

(2) Leroy Polk, Sen. Murowksi says she had a #MeToo moment of her own, KTUU Broadcast, October 2, 2018

(3) Katie Reilly, Lisa Murkowski is the only GOP senator voting against Kavanaugh. Her state has the highest rate of sexual assault, Time, October 5, 2018.

(4) Zachary Steiber, Sarah Palin hints at senate challeneg to Murkowsi after Alasaka senator’s vote on Kavanaugh, The Epoch Times, October 6, 2018.

(5) Ryan Thoreson, Women willpay for the mess of the Kavanaugh confirmation, The New York Times, October 7, 2018.

(6) Andy Borowitz, Twenty million witnesses come forward claiming they saw Kavaugh lie under oath, The New Yorker, October 1, 2018.


(7) Andy Borowitz, Kavanaugh disappointed to discover Supreme Court has no happy hour, The New Yorker, October 10, 2018.

P.S. au sujet du blog de la semaine dernière 'Trois Femmes". J'avais emprunté au Guardian (Leyland Cecco, Female Nobel Prize winner deemed not important enough for Wikipedia entry, The Guardian, October 3, 2018.) l'information que Wikipedia avait refusé d'insérer une note biographique consacrée à Donna Strickland, Prix Nobel de Physique 2018. Cette information était incorrecte. La note a en réalité été refusée par Wikipedia parce qu'elle utilisait une biographie déjà existante, et que Wikipedia est très prudent avec le piratage des écrits.

1 commentaire:

  1. Cette histoire est écœurante et inquiétante. Il n'y a plus aucune retenue. Je pense que c'est le contre-coup de #MeToo, accompagné par l'élection de Trump, qui est à la base de ce mouvement.

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